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Tetsumi Kudo ( 工藤 哲巳 ) 1935 - 1990

Biographie

Tetsumi Kudo naît, à Osaka en 1935. Ses parents sont tous les deux peintres.

Il entre en 1954 à l’École nationale des Beaux-Arts de Tokyo. Il y rencontre Hiroko Kurihara qui deviendra sa femme. Ses études se poursuivent jusqu’en 1958. Simultanément, il commence à exposer avec quelques-uns de ses amis au Salon des Indépendants Yomiuri, seul cadre où une contestation artistique peut prendre la forme d’une énergie créatrice. Kudo est invité par la Galerie Blanche à Tokyo, à réaliser son premier happening qui conserve cependant un caractère pictural. Il organise à Tokyo, puis à Okayama, des happenings qu’il qualifie d’“anti-art”. Ses œuvres, réalisées à l’ aide de ficelles, de cordes, de tubes, de cadres de bois ou de métal, adoptent des configurations à l’image de toiles d’araignées. Empruntés à la physique nucléaire, les dispositifs qu’il fait naître traitent de proliférations et de réactions en chaînes.

Kudo reçoit le grand prix de l’Exposition Internationale de Jeunes Artistes en 1962 accompagné d’une bourse pour aller travailler à Paris. Puis Hiroko et Tetsumi Kudo se rendent à Venise où se tient la Biennale. Ils y rencontrent le peintre autrichien Hundertwasser qui les présente à l’artiste islandais Erro. À l’invitation d’Alain Jouffroy et en accord avec Robert Lebel, co-commissaire de l’exposition “collages et objets” à la galerie du Cercle, les oeuvres de Kudo rejoignent celles de : Arman, Arp, Bellmer, Cornell, Dufrêne, Duchamp, Ernst, Hains, Johns, Matisse, Man Ray, Picabia, Martial Raysse, Rotella, Daniel Spoerri.

Kudo expose à nouveau à la Biennale de Paris, en 1965, cette fois dans la sélection française, et est l’invité de Gérald Gassiot-Talabot dans le cadre de “La Figuration narrative”. Par ailleurs, c’est l’année où Alain Jouffroy conçoit une triple exposition qui regroupe cinq artistes, venus d’horizons relativement différents. Dans le catalogue de la manifestation, Alain Jouffroy précise que : “les “Objecteurs” ne sont pas des réalistes, mais des hommes qui ont voulu transformer la réalité. Avec la réalité même des objets”.

L’exposition des Objecteurs de 1966 donne une visibilité accrue à Tetsumi Kudo et les expositions auxquelles il est invité se multiplient en France comme à l’étranger. Il participe pour la première fois au Salon de Mai et au Salon Grands et Jeunes, où ses oeuvres, au raffinement pervers, se font immédiatement remarquer. La galerie Marconi de Milan l’invite à exposer avec Éric Dietman, Mark Brusse, Jean-Pierre Raynaud et Hervé Télémaque. Il participe également au “Monde en question”, organisé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris par Gérald Gassiot-Talabot qui prolonge avec cette manifestation sa réflexion commencée en 1963 avec les “Mythologies quotidiennes”. Il est également associé à la manifestation organisée par la Kunsthalle de Berne sur le thème “La Science-fiction”.

Kudo retourne pour un certain temps au Japon à partir de 1969. Une commande d’un monument lui a été proposée. Il va sculpter sur la paroi du Mont Nokogiri, près de Tokyo un grand phallus qu’il baptisera : “Monument of Metamorphosis”. Un film documentaire est réalisé à cette occasion par l’artiste Yasuhiro Yoshioka. Il participe à l’exposition “Pop art, Nouveau Realisme/Nieuwe Figuratie” au casino de Knokke-le- Zoute ; puis à l’instigation d’Harald Szeemann à l’exposition “Happening & Fluxus” au Kunsteverein de Cologne.

Naissance de sa fille Koei en 1992. La famille déménage dans un appartement qui fait partie d’un programme destiné aux artistes. Il réalise sa première exposition à la galerie Beaubourg, “Kudo greffes et symbiose”. Exceptionnellement, les oeuvres réalisées sont accompagnées d’un fond sonore : une musique expérimentale de Y. Tone. La revue Opus International publie une interview de Haryu, Dialogue et monologue, dans laquelle Kudo précise avec une ironie très personnelle sa pensée.

Il articipe en 1975 à la grande exposition “Contemporary Art 1950-1975” au Tokyo central Museum. Kudo est invité à la Biennale de Venise dans le cadre de la manifestation “International Events 1972-76”. Il participe à l’exposition “Boîtes” présentée par la section ARC au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Il séjourne toute l'année 1978 à Berlin. Durant cette période, il réalise nombreux happenings dans son atelier mais aussi dans des galeries berlinoises sur le thème générique de : “Buddha in Berlin”. Lors d’une exposition personnelle à la galerie Bellechasse, il présente une action d’un type nouveau : “Cérémonie : jeux de fils” durant laquelle il emploie des ficelles de couleurs vives de manière à symboliser l’échange d’informations génétiques.

Il est hospitalisé en 1978 et suit une première cure de désintoxication. “Pour observer la France et provoquer l’Europe, expliquera-t il, je n’utilisais que mon intuition, et pour ça, j’avais besoin de boire. L’alcool était pour moi à la fois un fidèle allié et un redoutable ennemi. Finalement, j’ai eu un breakdown en 1980. Mais durant les années qui ont précédé cette attaque, ce n’était plus contre l’Europe que je me battais, mais contre moi-même”.

Kudo se rend au Japon en 1981 avec sa famille. Il y prépare son exposition personnelle au Musée Sogetsu à Tokyo, et travaille à l’élaboration d’une nouvelle série d’oeuvres qualifiées de Shikishi, terme utilisé pour désigner le papier cartonné d’un usage courant au Japon, bien qu’il soit utilisé pour la calligraphie et la peinture. En le réduisant à un simple support, Tetsumi Kudo va produire des dessins avec lesquels il va traduire sur un mode évidemment inventif et grinçant sa vision du Japon.

A son retour à Paris, Kudo commence une nouvelle série d’œuvres faites de fils de couleurs enroulés et durcis à la colle formant des formes simples, le plus souvent cylindriques ou coniques, avec lesquelles il figure les différences structurelles de deux mondes : L’Orient et l’Occident.

Kudo multiplie durant cette période, principalement au Japon, les performances avec ses fils de couleurs. Kudo fait de nombreux allers et retours entre Paris et Tokyo commence à souffrir de maux de gorge à répétition. En dépit de sa fatigue, il recommence à consommer de l’alcool.

Une grande exposition consacrée au Japon s’ouvre à Paris en 1986, au MNAM Centre G. Pompidou, sous le titre “Japon des avant-gardes – 1910-1970”. Des oeuvres de Kudo, réalisées entre 1957 et 1960 y sont présentées. A la fin de l’année, la galerie Brownstone présente à Paris une exposition d’oeuvres récentes de Kudo, montrant pour la plupart d’entre elles des crânes et des phallus enchevêtrés dans des fils de couleurs.

Hospitalisé à Paris en 1987 pour des examens, Kudo apprend qu’il a un cancer de la gorge. Il évite l’opération, mais doit suivre une radiothérapie. Il repart pour le Japon où il vient d’être nommé professeur à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Tokyo. Cette nomination a un caractère honorifique qui reconnaît l’importance de sa démarche artistique.

Lors de sa dernière exposition au Japon en 1988, il donne dans la soirée une performance intitulée “L’Ame de l’artiste”. La bougie enfermée dans une cage, qui finit par s’éteindre apparaît à certains observateurs familiers de son oeuvre comme un ultime effort de communication. Les photos prises ce soir-là à l‘Art Forum Yanaka le montrent amaigri, visiblement fatigué.

Son état semble se dégrader, les médecins consultés diagnostiquent un cancer du colon. Il est opéré et décède peu après, le 12 novembre 1990 à Tokyo.

Retrospective très complète, Testsumi Kudo Your Portrait

  • Osaka, Musée National des Arts 2 Novembre 2013 - 19 Janvier 2014
  • Tokyo, Museum of Modern Art, Tokyo 4 Fevrier - 30 Mars 2014
  • Aomori Museum of Art 12 Avril - 8 Juin 2014

Thématiques

Dès son premier happening à Paris, sous l’intitulé Philosophy of impotence, la singularité de son univers s’affirme. Provoquant le doute et le défi, ses actes comme ses objets interrogent la liberté humaine dans la société supra-médiatisée contemporaine. A travers tous les relais de contrôle, de la boîte à la cage, des bons de caisse au jardin transistorisé, l’artiste a cherché à rendre compte de la métamorphose de l’homme moderne.

Tel un narrateur ironique, Kudo, aux différentes étapes de sa démarche, traite de la survie bio-chimique du phénomène humain et envisage sa métamorphose organique. Si des têtes sont enfermées dans des cages, si des membres humains sont reliés à des plantes par des circuits électroniques, si des mains sont captives à perpétuité d’un aquarium, c’est que Kudo avec un raffinement pervers cultiva l’humour et la cruauté.

Dans son monde, l’homme et la technologie ne sont pas en relation d’opposition. Élevés ensemble, ils donnent naissance à une nouvelle culture, désignée par ses soins comme “La nouvelle écologie“.

L’homme ancien a disparu du territoire imaginé par Kudo, en dépit des fleurs, des cigarettes ou des crucifix, derniers souvenirs d’une existence lointaine. Un nouveau monde s’instaure, un monde qui se souvient probablement de l’insupportable violence d’Hiroshima et qui, résolument, se pare de couleurs fluorescentes.

A une époque, où le corps dans la création contemporaine, devient élément à expérimenter à l’aide de prothèses, de membres cyber, d’attributs en chrome ou en latex, où il s’offre à nous cerné par la génétique, le clonage et les nouvelles technologies, l’oeuvre de Kudo donne à lire et à comprendre ses remarquables intuitions.

Les formes phalliques recouvertes d’une matière sombre, entourées de bandages, et présentées en grappes depuis le plafond à la manière d’étranges stalactites composent avec les liens qui les fixent une sorte de pénétrable.

Un grand cube bleu dont les parois extérieures, ornées de pastilles blanches, évoquent les faces d’un dé. L’intérieur du cube traité en lumière fluorescente, accueille le visiteur qui peut y découvrir entre autres : une boîte renfermant des cocons, une cage protégeant des débris organiques, un cube où sont rassemblés des objets quotidiens , des fleurs poussant sur sol identifié à une peau humaine.

Parmi les objets du quotidien qui s’y trouvent réunis figurent des réveils, des lunettes de soleil pour se protéger des radiations, des boules à thé, qui tous évoquent avec ironie la mort lente des individus dans des espaces clos contrôlés par une technologie toute puissante.

Dans de petits temples modernes où gît une humanité mise en pièces, l’artiste a fréquemment placé des fleurs artificielles qui accomplissent le cycle de leur décomposition. Les chrysanthèmes qui traversent des barreaux traités avec un raffinement pervers en rose ou vert évoquent un temps nouveau de technologie, de pollution et d’artifices.

Les phallus qui poussent sur des tumulus de terre en compagnie de fleurs anémiées, de cœurs électroniques, de membres humains enchaînés nous parlent d’une humanité disséquée avec précision afin que des cellules humaines opèrent une métamorphose organique à proximité et en relation avec des végétaux alimentés par le même humus transistorisé.

Les faux gazons en plastique, les fleurs artificielles, la rusticité des résines colorées pour suggérer un ver de terre renvoient au triomphe du simili en affirmant avec malice l’éclipse du goût. On notera dans quelques compositions l’apparition de croix chrétiennes ou de représentations de la Vierge.


Galerie


performance Philosophy of Impotence, Paris,1963

Pollution-cultivation-nouvelle écologie, (1971)

La montagne que nous cherchons est dans la serre

Promenade in the heredity-chromosome, (1979)

Paradise (1979)

Pollution-cultivation-nouvelle écologie

Cybernetic Art, 1963

Performance (1966)

Votre portrait, (1965)

Votre portrait, 1970

Pollution – cultivation – nouvelle – écologie, (1972)

Nouvelle écologie

1980

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