Martial Raysse ( 1936 - )

Ces pages sont rédigées par et pour des passionnés d'Art Contemporain.

 

Martial Raysse est un plasticien français né le 12 février 1936 à Golfe-Juan (Alpes-Maritimes). Il vit et travaille à Issigeac (Dordogne).

Fils d'artisans céramistes de Vallauris, Martial Raysse commence à peindre et à écrire des poèmes dès l'âge de 12 ans. Après de solides études secondaires, il choisit d’étudier les lettres tout en pratiquant l'athlétisme à haut niveau, avant de se tourner vers la peinture à l'âge de 19 ans.

Il commence par réaliser des assemblages de détritus et d'objets divers présentés dans des boîtes de plexiglas.
En 1958, il participe à une exposition de groupe, galerie Longchamp, en présence de Jean Cocteau. En quelques années, il devient l'un des meilleurs peintres abstraits sur la Côte d'Azur et ses œuvres atteignent une excellente cote lorsqu'il remet sa carrière en question.

Fasciné par la beauté brute du plastique, il écume les grands magasins à prix uniques et développe, en collaboration avec Arman, son concept « d'Hygiène de la vision » qui met en jeu des objets neufs en plastique de la nouvelle société de consommation.
Il séjourne aux États-Unis où il se rapproche du Pop art américain et fait partie du mouvement des Nouveaux Réalistes lors de sa fondation en 1960.

À partir de 1959, Martial Raysse utilise toute sorte de matériaux et de techniques : plastique, Plexiglas, néant, miroir, peinture, lumières artificielles, objets, photographies, photocopies, flocage, découpage, assemblage, report, montage, agrandissement notamment. Sa série des Tableaux-objets met en scène l'image à la fois sensuelle et artificielle, douce et froide, distanciée et lyrique de la société de consommation, en particulier du mannequin-type des années 1960, Vénus moderne déclinée et mise en scène dans des couleurs acidulées.

Le succès est au rendez-vous : un quart d'heure avant l'ouverture de son exposition à Milan en 1961, toutes ses œuvres en plastique sont vendues à des collectionneurs.

Dans ses œuvres, les couleurs violentes sont projetées au vaporisateur, jouent sur les visages féminins rouges carminés, vert acide, violet, bleu. Raysse introduira ensuite le néon dans ses toiles pour souligner certaines formes, la bouche, les yeux. « J'ai découvert le néon. C'est la couleur vivante, une couleur par delà la couleur »

Dès 1965, le Stedelijk Museum d'Amsterdam lui consacre une exposition rétrospective. L'année suivante, il réalise avec Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely les décors d'un ballet de Roland Petit.

À la biennale de Venise en 1966, il obtient le prix réservé aux artistes âgés de moins de 45 ans. Les événements de mai 1968 conduisent l'artiste à une importante réflexion sur la nature de l'œuvre d'art, dont il dénonce notamment la dégradation en marchandise.

De 1963 à 1965, il réalise une série qu'il intitule ironiquement Made in Japan. Cet ensemble comporte une quinzaine d'œuvres, dont le but est de détourner des tableaux célèbres, principalement d'Ingres, avec lequel Raysse dialogue très librement. La version d'après La Grande Odalisque, conservée par le musée national d'Art moderne, en est un exemple emblématique. D'esthétique pop, elle reprend une partie de la toile d'Ingres. L'œuvre est marouflée sur toile puis repeinte avec des couleurs vives qui rappellent celles des affiches publicitaires (rouge, vert fluo...).
Raysse y ajoute du verre pilé et une mouche, éléments visant à critiquer les prétentions mimétiques et illusionnistes de la peinture traditionnelle.

L'artiste adopte une démarche de réduction des moyens plastiques et de simplification de la représentation à la fin des années 1960. Il utilise toutes les techniques de production des images, notamment la photographie et la sérigraphie. La représentation des formes est progressivement simplifiée et se réduit à des silhouettes d'une tête avec épaules, découpées dans du carton, du papier, du tissu pour donner naissance à des Formes en liberté proches de l'Art pauvre (Arte Povera).

On retiendra également dans la même optique de travail la toile Soudain l'été dernier de 1963 ou la sculpture America America (1964, Musée national d'Art moderne, Paris), où l'utilisation du néon comme cliché renvoyant à l'univers de la publicité est alors tout à fait caractéristique du discours de l'artiste. Il rompt avec la tradition, les règles et les techniques pour désacraliser l'œuvre, la démonumentaliser, lui faire perdre son unicité (effectivement, on retrouvera des impressions de ses œuvres dans les gares, métros etc et il prônera la commercialisation de l'œuvre d'art) et enfin annuler l'idée d'un art qui nécessiterait une virtuosité technique.

Au seuil des années 1970, Raysse accomplit une véritable révolution esthétique, que l'on peut rapprocher de celle du peintre français Jean Hélion.

Il se consacre au cinéma, en réalisant notamment Camembert extra-doux (1969) et un long métrage, Le Grand Départ, en 1970, au titre prophétique. Il entreprend alors de « commencer à vivre ». L'esthétique qu'il met progressivement en place à partir de 1972 est en totale rupture avec les œuvres pop de la période précédente. Raysse s'adonne notamment à la pratique du dessin d'après nature (série Un jardin au bord de la Marne), et n'hésite pas non plus à renouer avec les genres traditionnels de la peinture dans les années 1970-1980 (séries Loco Bello en 1975 , Spelunca en 1977 et La Petite Maison en 1980 notamment).

Simultanément, il entreprend un travail de sculpteur, dans un premier temps à l'aide de matériaux pauvres (papier mâché, pâte à pierre, papier kraft) puis à plus grande échelle, en ayant recours à la technique traditionnelle de la fonte en bronze à cire perdue. A la faveur de nombreuses commandes publiques il réalise dans les années 1980 deux fontaines à Nîmes en 1987 et 1989 et des mosaïques à Paris, place d'Iéna (dans les métopes du bâtiment du Conseil économique et social construit par Auguste Perret). Une importante rétrospective de son œuvre (peinture, sculpture et cinéma) a lieu en 1992 à la Galerie nationale du Jeu de Paume à Paris. En 1997, le Centre Georges-Pompidou expose quarante ans de travail graphique. Une première exposition a lieu en Chine du 24 octobre au 12 novembre 2000 à l'Institut central des Beaux-Arts de Beijing.

Les années 1990 et 2000 sont marquées par la création régulière de grandes compositions picturales, sur lesquelles Martial Raysse se concentre durant plusieurs années. Il y adopte le principe d’une composition en frise, animée d’une multitude de figures, dans laquelle il met en scène le chaos de l’humanité. Le Carnaval de Périgueux (1992), première de ces très grandes peintures, s’apparente par ses dimensions à une peinture murale. Les personnages à taille réelle s’y déploient dans un tableau de huit mètres de largeur. L’artiste fait coïncider dans une même vision le macroscopique et le microscopique. Dans ces fresques héroïques, ponctuées de notations curieuses ou comiques, il montre la diversité et les paradoxes de l’humanité. La mascarade et le tableau vivant s’imposent comme les traits caractéristiques de sa saisie imaginative du monde. Ses rendez-vous avec l’Histoire se déroulent dans une compagnie tout à fait contemporaine.
Qu’il traite de l’histoire de l’art ou qu’il célèbre les détails prosaïques de la vie, Raysse ne se départit pas d’un humour qui transparaît dans les titres et les sujets traités. Les années 2000 verront l’affirmation de cet esprit carnavalesque et farceur qui s’affirme comme une préconisation à l’adresse du monde. L’usage de la frise l’amène à regarder et réinterpréter la tradition de la danse macabre. « Depuis ma jeunesse, je vois la vie comme un cauchemar ponctué d’instant délicieux. » Se refusant à la vision cauchemardesque, c’est du côté des délices qu’il a engagé sa peinture. Mais ces délices ne sont pas toujours innocents, comme en témoigne le constant aller-retour entre les plaisirs de la vie « simple et douce » et les visions grotesques du Jardin des délices.

En 2001, Raysse réalise ses premiers vitraux dans une nouvelle église parisienne (l'église Notre Dame de l'Arche d'Alliance). Les couleurs vives des deux panneaux (sur les thèmes de la Visitation et de David dansant devant l'Arche) témoignent d'une certaine continuité avec l'œuvre pop de ses débuts.

En 2005, Raysse réalise la façade au néon d'un cinéma multiplex parisien.

Dans une composition aux allures de Jugement dernier, le dernier très grand tableau, Ici Plage, comme ici-bas (2012), fait une synthèse des intentions et des trouvailles plastiques de ces dernières années et s’offre comme une méditation sur l’humanité. Chacun des détails s’y présente comme une réflexion particulière sur la condition humaine, qu’il s’agisse d’une réminiscence, d’un encouragement ou d’une mise en garde.


Déclarations:

  • J'ai voulu un monde neuf, aseptisé, pur et au niveau des techniques utilisées, de plain-pied avec le monde moderne. (Martial Raysse 1960)
  • Je n'ai jamais fait de peinture, j'ai toujours travaillé sur des images. À les transformer, à en tirer un nouveau langage. (Martial Raysse 1989)
  • Martial Raysse a toujours travaillé à Nice, d'où il vient. Son entassement standard, c'est tout Nice. Il constitue la preuve que le Nouveau Réalisme peut prendre emprise sur le réel. C'est l'exemple le plus clair d'un art qui se veut acte de comportement. L'effet est très salutaire par rapport aux peintures-peintures. C'est une proposition d'air pur
    (Pierre Restany, 1961)

Filmographie:

  • Jesus-Cola (1967) Court métrage 20 minutes
  • Portrait electro machin chose (1967) Court métrage
  • Homero Presto (1968) Court métrage
  • Camembert Martial extra-doux. (1969) Court métrage 14 minutes
  • Le Grand Depart (1970) Long métrage 70 mn, tourné en video, ce film raconte une longue fable au parti pris esthétique, utilisant un haut contraste, des inversions chromatiques annulant la profondeur, des surimpressions.

Expositions principales:

  • 1968 : Documenta IV Allemagne, Cassel
  • 1977 : Documenta VI Allemagne, Cassel
  • 1986 : Exposition Pictura loquens, 25 ans d'art en France, Villa Arson-Centre national d'art contemporain, Nice, France
  • 1992 : Documenta IX Allemagne, Cassel
  • 1997 : Exposition Made in France 1947-1997, 50 ans de création en France. Centre Georges Pompidou, Paris
  • 1997 : Exposition Chemin faisant, Frère crayon et Sainte gomme Salle d'art graphique, Centre Georges Pompidou
  • 1999 : Exposition Georges Pompidou et la modernité Galerie nationale du Jeu de Paume, Paris
  • 2005 : Dieu Mercium Galerie de France, 75004 Paris
  • 2014 : Rétrospective 1960-2014, Centre Georges-Pompidou, Paris
  • 2015 : Exposition monographique Palazzo Grassi

Galerie Virtuelle

Voir aussi catalogue de l'artiste


Hygiène de la vision (objet 3D avec binoculaire)
en collaboration avec Arman (1960)

Tableau-objet (1961)


Beach (1962)



Made in Japan. La Grande odalisque (1964)

Pot de fleur (1964)

Life is so complex (1966)

America, America, sculpture, néons (1965)

1968

Toile, découpe et vidéo projetée, 1971

Image calme (1972)

La Source (1990)

Georges et le Dragon (1990)

Conseil Economique et Social, Mosaïque ( 1992)

Embrasement (2003)

Facade de cinéma (2005)

La belle mauve (1962)


France bleue, sérigraphie (1962)



Made in Japan (1963)



Peinture à haute tension,
huile et peinture fluorescente (1965)



Sans titre (1967)

1968

Installation (1971)

Boite, 1972

Série Spelunca (1977)

Diane des terrains vagues (1989)

La Colombe et la pensée, bronze (1992)

Cause toujours (2006)

Comment ça va Irma ?(2013)

Ici Plage, comme ici-bas , 2012, Collection Pinault

Exposition monographique 2015 Palazzo Grassi

 

 

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