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Pierre Restany (1930-2003)

Pierre Restany est un critique d'art français, né à Amélie-les-Bains-Palalda (Pyrénées-Orientales) le 24 juin 1930 et mort à Paris le 29 mai 2003. Il fut le critique le plus important de l’après-guerre en France : « Un mythe ! » a dit de lui Andy Warhol.

Pierre Restany passe son enfance à Casablanca où son père dirige la Compagnie marocaine, dans un milieu aisé et cultivé. Revenu en France en 1949, il est khâgneux au lycée Henri-IV avant de poursuivre ses études universitaires en France, en Italie et en Irlande et d'obtenir une licence ès lettres et un diplôme d'études supérieures d'esthétique et d'histoire de l'art. Dans ses premiers écrits, notamment pour la revue Cimaise, à laquelle il collabore dès 1952, le jeune critique d'art prend la défense du peintre Jean Fautrier.

En 1955, il fait la connaisance d'Yves Klein et le soutient dans ses expériences que l’époque juge folles. Pressentant les limites de l’expressionnisme abstrait américain et de l’abstraction lyrique européenne, il publie Lyrisme et Abstraction et, à partir de cet effort conceptuel, élabore sa théorie du Nouveau réalisme, qui tend à inventer un humanisme de l’objet industriel.

Le 16 octobre 1960, Pierre Restany publie à Paris et Milan le premier « Manifeste du Nouveau Réalisme ».
Il sera suivi l'année suivante d'un second manifeste, rédigé entre le 17 mai et le 10 juin 1961, et intitulé « 40° au dessus de Dada ».

Les 9 signataires de la déclaration constitutive du groupe

Autres membres du groupe , plus tardifs:

  • César
  • Mimmo Rotella
  • Niki de Saint Phalle
  • Gérard Deschamps
  • Christo

César, Mimmo Rotella, Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps rejoindront le mouvement en 1961, Christo en 1963

Entre 1960 et 1963, Pierre Restany est à l'origine d'une bonne vingtaine d'expositions collectives et poursuit sa réflexion conceptuelle sur le mouvement, quitte à se heurter à Raymond Hains, qui le comparera plus tard à « un petit drapeau planté sur un groupe ».

Leur travail collectif, des expositions élaborées ensemble, s’étend de 1960 à 1963, mais l’histoire du Nouveau Réalisme se poursuit au moins jusqu’en 1970, année du dixième anniversaire du groupe marquée par l’organisation de grandes manifestations.


À partir de 1963, Pierre Restany collabore à la revue d’art et d’architecture Domus et vit et travaille en alternance entre Paris et Milan. 1968 lui offre l’occasion d’une réflexion critique et prospective sur les structures sociologiques de l’art contemporain avec Le Petit Livre Rouge de la Révolution Picturale et le Livre Blanc de l’Art Total. L’Autre Face de l’Art, essai paru en feuilleton mensuel dans Domus de janvier à juillet 1978, retrace l’histoire de la fonction déviante dans l’art contemporain, du Futurisme et de Dada à la problématique conceptuelle, en passant par l’aventure expressive de l’objet.

En juillet et août 1978, en compagnie de Sepp Baendereck et de Frans Krajberg, Restany remonte en bateau le Rio Negro, principal affluent nord de l’Amazone, de Manaus à la frontière de la Colombie et du Venezuela. Cette expérience provoque en lui un choc émotionnel profond et l'amènent à s'interroger sur le sens moderne de la nature. Le Manifeste de Rio Negro, rédigé en pleine forêt, se réfère à un naturalisme intégral, et se veut tout à la fois une réponse objective, synthétique, planétaire aux questions que l’art d’aujourd’hui se pose sur son existence et sa fonction et une redéfinition du rapport nature-culture, à la lumière des cultures marginales en quête de leur propre identité. Nature Intégrale, la revue qu’il publie à Milan entre 1978 et 1981 avec Carmelo Strano, rend compte de l’ampleur de ces recherches qui recueillent un grand écho dans le monde de l’art.

À la suite de sa rencontre avec Dani Karavan en 1976, la réflexion de Pierre Restany aborde également la problématique de l’art dans la ville.


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Témoin attentif de l’évolution du design post-moderne et plus précisément des développements théoriques et pratiques de l’œuvre de l’architecte Alessandro Mendini, il interroge aussi, à partir de la fin des années 1970, le rapport entre le monde de l’art et celui de la production. Un livre, paru simultanément à Paris et à Milan en 1990, traite dans cette optique des rapports de l’art et de la production à partir de la notion d’« objet-plus », c’est-à-dire de la plus-value sémantique et culturelle qui s’attache à l’objet industriel lorsqu’il entre dans le domaine de l’art. Ce problème du « plus » dans l’objet est souligné visuellement par des présentations informationnelles de Bernard Demiaux. À partir de 1986, il dirige la revue trimestrielle Ars.

Pierre Restany est un voyageur infatigable, en Espagne, Grèce, Yougoslavie, Pologne, Tchécoslovaquie, Bulgarie, Hongrie, Israël, Corée, Japon, États-Unis, Iran, Inde, Cuba, Uruguay, Colombie, Venezuela, Argentine, Brésil, Australie, Québec, URSS... Mario Pedrosa lui ouvre les portes de la Biennale de Sao Paulo en 1961. Commissaire Général de la section Art et Technologie en 1967, il renonce à sa charge en raison de l’attitude anti-culturelle des militaires brésiliens au pouvoir.

Il vit les derniers moments de « l’âge d’or » de Buenos Aires en 1963-1964 grâce à Jorge Romero Brest qui l’invite à l’instituto Torquato di Tella. Critique d’art de Planète, il collabore à la création de l’édition argentine de la revue de Louis Pauwels. En 1962, à l’occasion de sa participation au jury de la Biennale de Tokyo, il donne sur invitation du Professeur Takiguchi une série de cours retentissants sur le Nouveau réalisme à la Tama University of Art. Entre 1964 et 1968, il participe au Printemps de Prague en assurant la correspondance parisienne des revues artistiques de l’État Tchèque (Vytvarne Prace, Vytvarne Umeni).

En 1979, un « Lecture Tour Grant » de l’Australia Council lui permet de visiter les principales universités australiennes, au cours d’un périple d’un mois organisé par Noela Yuill. En 1984-1985, il est appelé par Maria Grazia Mazzocchi à faire part de l’équipe fondatrice à Milan de la Domus Academy, un institut post-universitaire de recherches sur la mode et le design, internationalement reconnu aujourd’hui. Membre du comité d’organisation de l’Olympiade des Arts, programme artistique lié aux Jeux Olympiques de Corée, il est à l’origine du Parc Olympique de Sculptures de Séoul réalisé en 1987-1988 et qui rassemble 300 oeuvres en provenance du monde entier.

La publication en 1988 de l’édition russe de Domus le plonge avec Giovanna Mazzocchi Bordone en pleine perestroïka. Il inaugure la même année à Moscou, dans le cadre de l’exposition Günther Uecker à la nouvelle galerie Tretiakov, une série de conférences sur la situation de l’art occidental. En janvier 1989, il rencontre l’académicien Likatchov, Président de la Fondation Soviétique pour la Culture venu à Milan pour inaugurer une exposition sur l’Avant-garde russe.

En 1999, il prend la présidence du Site de création contemporaine du Palais de Tokyo à Paris, voué à la promotion de la scène artistique émergente. Trente-cinq ans d’activités passionnées et souvent polémiques ont fait de Pierre Restany un personnage hors-série de la scène artistique, connu dans le monde entier, grâce à diverses collaborations à la presse écrite et aux media audio-visuels, à de nombreuses tournées de conférences dans les universités et les musées et à sa participation au jury de nombreuses manifestations internationales.

Le milieu de l’art mettra du temps avant de reconnaître en lui un maître qui, lors de sa disparition en 2003, sera salué par toutes les institutions. Type même du critique engagé, adoptant un point de vue éthique avant toute approche esthétique, il n'a cessé d'interroger la nature et le sens de l'art dans la société post-industrielle. Pour lui, grâce à Yves Klein notamment, « l'art a définitivement basculé dans la morale, et l'esthétique dans l'éthique ».


Déclarations:

  • «Les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un Tableau, le Grand Œuvre fondamental dont ils s’approprient des fragments dotés d’universelle signifiance. Ils nous donnent à voir le réel dans des aspects de sa totalité expressive. Et par le truchement de ces images spécifiques, c’est la réalité sociologique toute entière, le bien commun de l’activité des hommes, la grande république de nos échanges sociaux, de notre commerce en société qui est assigné à comparaître. Dans le contexte actuel, les ready-made de Marcel Duchamp (et aussi les objets à fonctionnement de Camille Bryen) prennent un sens nouveau.
    Ils traduisent le droit à l’expression directe de tout un secteur organique de l’activité moderne, celui de la ville, de la rue, de l’usine, de la production en série. Ce baptême artistique de l’objet usuel constitue désormais le "fait dada" par excellence. Après le NON et le ZERO, voici une troisième position du mythe : le geste anti-art de Marcel Duchamp se charge de positivité. L’esprit dada s’identifie à un mode d’appropriation de la réalité extérieure du monde moderne. Le ready-made n’est plus le comble de la négativité ou de la polémique, mais l’élément de base d’un nouveau répertoire expressif.
    Tel est le nouveau réalisme : une façon plutôt directe de remettre les pieds sur terre, mais à 40° au-dessus du zéro de dada, et à ce niveau précis où l’homme, s’il parvient à se réintégrer au réel, l’identifie à sa propre transcendance, qui est émotion, sentiment et finalement poésie, encore. »
    Pierre Restany, À 40° au-dessus de DADA, préface au catalogue de l’exposition, Galerie J, 1961
  • « L’école niçoise veut nous apprendre la beauté du quotidien. Faire du consommateur un producteur d’art. Une fois qu'un être s'est intégré dans cette vision, il est très riche, pour toujours. Ces artistes veulent s'approprier le monde pour vous le donner. A vous de les accueillir ou de les rejeter. »
    Pierre Restany, Avec le nouveau réalisme, sur l’autre face de l’art, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambrons, 2000