Jean Tinguely ( 1925 - 1991)Jean Tinguely, artiste suisse est né le 22 mai 1925 à Fribourg et mort le 30 août 1991 à Berne. |
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BiographieJean-Charles Tinguely est né le 22 mai 1925, le jour de l'anniversaire de sa mère. Des tiraillements et des tensions apparaissent très tôt entre lui et ses parents. II est Fribourgeois et jouit en même temps des droits civiques de la ville de Bâle dans laquelle il grandit. II semble apprécier cette double appartenance qui lui donne la liberté de choisir et de changer. Ainsi se sent-il, selon son humeur, tantôt Fribourgeois, tantôt Bâlois. II trouve fréquemment refuge dans les bois des environs de Bâle, afin de s'adonner à la lecture sans être dérangé. Il y réalise les premières œuvres "méta-mécaniques" : des roues hydrauliques avec effets sonores. «. Alors, j'ai commencé à faire une chose très bizarre : plusieurs samedis et dimanches de suite, j'ai commencé à construire de jolies petites roues en bois, bricolées comme ça, le long d'un ruisseau [...]. Aucune idée d'art [...]. Dans la forêt, j'utilisais un ruisseau : il faut dire que c'était une forêt de sapins qui formaient une sorte de cathédrale, avec les qualités sonores d'une cathédrale [...], les sons s'amplifiaient formidablement bien."qui fonctionnaient pendant des mois. » Jean Tinguely commence son apprentissage de la peinture à l’École des Beaux-Arts de Bâle, puis s’installe en 1953 à Paris. En 1956, Tinguely fait la connaissance de Niki de Saint-Phalle, elle-même peintre et sculptrice, avec laquelle il forme un couple d’artistes brillants. Il présente en 1959, à la Biennale de Paris, ses Machines à peindre, sortes d’insectes mécanisés capables de réaliser des peintures abstraites. La même année il réalise L’Hommage à New York, construction explosive qui s’autodétruit dans le jardin du MoMA à New York, illustrant ainsi sa pensée : « On s’en fout de l’art ». Car au-delà de l’art, ses « machines happenings » veulent être « quelque chose qu’on n’a pas vu auparavant », utilisant de vieilles ferrailles vouées au rebut et qui vont renaître au musée. En 1960, Jean Tinguely signe avec Yves Klein, Arman, Raymond Hains, etc. la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme. Dans la dernière phase de son œuvre, Jean Tinguely réalise des retables et autres compositions auxquelles il intègre des crânes d’animaux, oeuvres inquiétantes et profondément poétiques. Il s’éteint le 30 août 1991 à Berne, à l’âge de 66 ans. InfluencesLes réactions imprévisibles d’un père alcoolique et autoritaire et les craintes qu’il occasionne chez sa mère restèrent ancrées dans sa mémoire. «J'avais très peur du noir, tout prenait alors des formes inquiétantes, et aujourd'hui encore je ne supporte pas les papiers à motifs, ils me rappellent mes angoisses enfantines.» Adolescent, il fut traumatisé par le bombardement aveugle de Bâle. «Nous habitions à l'époque sur la Winkelriedplatz. C'était le 16 décembre 1940. Notre quartier fut particulièrement touché, les bombes explosaient tout près, faisant voler les fenêtres en éclats et détruisant tout sur leur passage.' Notre maison dut être évacuée. Une jeune mère allemande, Frau Zorn, avait pris son bébé dans les bras et, alors qu'elle cherchait un abri, elle fut frappée à la tête par un éclat d'obus. L'impact arracha sa calotte crânienne qui resta suspendue, avec les cheveux, au compteur électrique. La jeune femme gisait morte sur le sol. J'enlevai l'enfant de ses bras. Ma mère eut une crise d'hystérie. On dut l'écarter. Je me cachai dans les ruines, attendant l'ennemi. Je crois que s'il était venu, je l'aurais tué. Peut-être cet événement est-il à l'origine des images sombres qui habitent mon art. Qui sait?» Tinguely appartient de surcroît à la génération qui, à peine âgée de vingt ans, dut faire face à la réalité des crimes nazis et en reçut un choc psychologique extrême. II eut l'occasion de lire l'un des premiers rapports sur les camps de concentration, «Die Moorsoldaten» ; par ailleurs, il fréquentait souvent à Zurich le café «Nord-Sud» où il retrouvait des réfugiés juifs dont il suivait les conversations. En 1940, à 15 ans, il fugue « Je suis parti de Bâle, emportant la caisse des scouts, dans l'idée de venir en aide aux Grecs. À l'époque, les troupes italiennes attaquaient les Grecs à partir de l'Albanie. Une patrouille m'a découvert quelque part après le tunnel du St-Gothard alors que j'étais sur le wagon à charbon. On m'a mis sous les verrous à Bellinzona. Je débordais de fierté. J'étais dans une prison d'hommes, avec des adultes. Je me prenais très au sérieux, j'avais l'impression d'être extrêmement important et me refusais à tout aveu. On a fini par me reconduire à Bâle les menottes aux mains.» Dans la maison du Dr Heinrich Koechlin à Bâle, où se retrouvaient réfugiés politiques, communistes et anarchistes, Tinguely puisait dans les conversations enflammées de quoi nourrir ses idées et enrichir sa formation politique. Friedrich Engels, les Russes Kropotkine et Bakounine, ainsi que Alexandre Herzen, comptaient parmi ses auteurs de prédilection. La lecture était devenue pour lui, qui avait un esprit si curieux, une véritable nécessité et sa mémoire exceptionnelle sut en faire l'une des sources de son vaste savoir. Tinguely devient décorateur de vitrines, une activité dans laquelle il ne craignit pas de provoquer le scandale. Son ami Daniel Spoerri, qu'il avait connu vers 1949 dans les milieux bohèmes de Zurich, se souvient: «Un jour, Tinguely apporta dans le magasin de fourrures Lindner à Bâle une vieille brouette crasseuse, maculée de taches de béton et remplie de vieux matériaux de construction puis, après avoir longé les précieuses fourrures au grand effroi des vendeuses, il déversa le contenu de sa brouette et jeta par dessus un manteau de prix - tout ça pour le salaire non négligeable de 300 FS. II y eut bien sûr aussitôt un attroupement et on appela la police.» Si les vitrines décorées par Tinguely faisaient preuve d'une telle insouciance et d'une telle liberté, inhabituelles pour l'époque, c'est sans doute parce que Tinguely était profondément convaincu de sa vocation d'artiste et considérait ce travail comme une activité certes nécessaire, mais secondaire. II faut rappeler ici qu'il fréquenta également l'École des Arts appliqués de Bâle. D'après les descriptions de Daniel Spoerri, les compositions réalisées par Tinguely témoignaient, par la liberté même de leur exécution, d'une audace et d'un pouvoir magique extraordinaires. «II travaillait déjà avec des mouvements rotatifs et obtenait, à l'aide de dispositifs de traction, des effets comiques qu'il utilisait pour animer les figurines présentes dans ses compositions.» Tinguely pourtant ne montra aucune de ces créations au public. On sait aussi qu’il exécuta de nombreuses peintures à l’huile à propos desquelles il explique : «je pouvais continuer sur une peinture pendant des mois, jusqu'à usure totale de la toile : racler, revenir, sans laisser sécher la peinture ! C'était impossible pour moi ; je n'arrivais pas à, disons, décider : Voilà, c'est terminé ... C'est à partir de là, au fond, que le mouvement s'est imposé à moi. Le mouvement me permettait tout simplement d'échapper à cette pétrification, à cette fin. » L'artiste en quête de lui-même partit finalement pour Paris au cours de l'hiver 1952-1953. Son ami Daniel Spoerri se trouvait également depuis un semestre dans ce haut lieu de l'art. "Pour un spectacle de danse nous devions concevoir un décor. À la répétition générale, lorsque nous avons tiré sur les ficelles, alors que la musique avait déjà commencé, toute notre installation est tombée sur la tête des danseurs, c'était la catastrophe. Le ballet s'est poursuivi sans décor, avec la musique seulement." Ce fut l'un des rares cas où Tinguely rata quelque chose. Son styleTinguely n’était pas mécanicien, pas plus qu’il n’était technicien ou ingénieur. Aux yeux des spécialistes ses machines étaient construites de manière lamentable. Cependant Tinguely possédait le don infaillible de provoquer l’attention des passants, et d’établir ainsi une communication par l’emploi de mécanismes familiers qu’il détournait de leur sens et de leur finalité quotidienne. Avec Euréka une énorme machine conçue pour l’exposition nationale suisse de 1964, cette particularité apparut déjà comme une caractéristique essentielle de son art. Imprégné des oeuvres de Marcel Duchamp (Ready-made : objets usuels ironiquement promus oeuvres d’art) il s’inscrit dans l’esprit dadaïste qui se manifeste par la bouffonnerie provocatrice et la dérision souvent au cours de manifestations publiques. C’est un sculpteur qui, avant tout, utilise des matériaux de récupération auxquels il redonne vie en utilisant des moteurs pour les animer. Tinguely est maître incontestable dont l’oeuvre compte parmi les manifestations les plus vivantes de la sculpture du XXe siècle. Message délivré par l’artiste Il remet en question l’académisme de l’art. Il crée ses machines dans le contexte des « trente glorieuses » (les années d’après la deuxième guerre mondiale) et de son « culte » du progrès. Construites en partie à l'aide d'objets de récupération, les «machines» de Tinguely, consciemment imparfaites, refusent le culte de l'objet neuf produit par une société de consommation. Il est en avance sur son temps en pratiquant le recyclage. Il a su se trouver « une place écologique » dans la société pour pouvoir faire ce qui lui plaisait. Dans une société ou la machine est de plus en plus présente, il l’introduit dans l’art en montrant son aspect ludique et inutile. À l’instar de ses machines qui s’autodétruisent après trente minutes de fonctionnement, il délivre son message philosophique que dans la vie tout a une fin. L’irrégularité, la panne, le dysfonctionnement apparaissent comme les principes organisateurs d’une démarche qui cache sa profondeur sous une apparente facilité. On le voit dès les premières oeuvres : machines bringuebalantes en fil de fer (« Moulins à prières », 1954), tableaux-reliefs où tournent lentement des formes inspirées de l’abstraction géométrique (« Méta-Malevitch », même année), ou encore les fameuses machines à dessiner (« Métamatics », 1959) qui se moquent autant d’elles-mêmes que de la peinture tachiste à la mode. La hantise de la catastrophe et de la mort joue un rôle croissant dans son oeuvre Cela est déjà flagrant dans l’« Hommage à New York » (1960), assemblage de ferraille, de roues de vélos et d’objets de toute sorte qui s’autodétruit bruyamment en 28 minutes dans le jardin du Musée d’art moderne de cette ville. Jean Tinguely installe « Eurêka » sur le terrain de l’Exposition nationale suisse (Lausanne, 1964 ; aujourd’hui à Zurich). Les formes équilibrées de cette grande sculpture et la sobriété de ses mouvements nous la font apparaître comme une oeuvre presque classique. Pourtant elle étonne à l’époque. La notion de « machine à Tinguely » s’impose dans le langage courant en Suisse, traduisant du même coup les limites de l’acceptation d’un art qui plaît au grand public par son coté farfelu, donc rassurant. Il joue le jeu que l’on attend de lui, celui d’un artiste populaire, dessinant des timbres-poste, décorant des cravates, des draps, des boîtes de biscuits, ce qui était encore une manière de ne pas se prendre au sérieux. Mais derrière ce tumulte dérisoire, il continue secrètement à se tenir en marge d’un monde qui ne lui convient qu’à moitié. Il lutte contre les autres et contre lui-même pour garder intact l’esprit dada qui ne cesse de l’habiter. Il se dédouble en un monstre énorme et monoculaire – un « Cyclop » enfoui dans la forêt de Milly (Essonne) – dont n’émerge que la tête faite de ciment et de fer. Il y travaille pendant plus de vingt ans avec Niki de Saint-Phalle et des amis. Il disparaîtra sans avoir vu sa sculpture monumentale achevée (conçue à la fin des années 60, elle a été inaugurée en mai 1994). Il la considérait comme l’envers de tout ce qu’il avait réalisé : « C’est l’antithèse de mon travail, vu que c’est une oeuvre définitive, à caractère monolithique. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, peut-être pour contrebalancer l’effet désastreux que ça peut provoquer en moi de toujours tout faire bouger et d’être soumis en permanence à toutes les réparations possibles. » Déclarations:
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Expositions et réalisations principales:
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La Porte (1960) Peinture (1964) Jerusalem (1965) Requiem (1967) Chaos (1975) Fontaine, quartier Beaubourg, Paris (1983) |
Balouba (1962) Vive le Monstre (1965) Matrac (1966) Le Cyclop de Milly la Forêt (1970) Redwheel (1985) |
Moscou-Fribourg (1990) |
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