Arrête-moi si tu peux, film américain de Steven Spielberg, sorti en 2002. Ce n'est pas le plus grand film de Spielberg, mais il révèle des aspects inattendus et autobiographique de cet immense réalisateur.
Distribution:
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Critique Le thème du film est tiré d'une histoire vraie. Dans les
années 1960, le jeune Frank Abagnale Jr. est passé maître dans l'art
de l'escroquerie, allant jusqu'à détourner plus de 4 millions de dollars
et à figurer sur les listes du FBI comme l'un des dix individus les
plus recherchés des États-Unis. Le générique de début, en forme d'images animées, donne le ton du film. C'est une comédie légère qui ne se prend pas au sérieux. Pourtant, au-delà de cette fantaisie, le spectateur attentif ne sera pas dupe des intentions du réalisateur. En effet, déjà perceptible dans Minority Report, la dimension autobiographique du dernier film de Spielberg apparaît encore plus évidente dans Arrête-moi si tu peux. Il s’y mêle par ailleurs une non moins claire allusion à la création cinématographique. En choisissant de retracer l’histoire vraie de Frank Abagnale,
Spielberg est en terrain familier par une double similitude entre Frank
et lui-même : en 1963, l'époque où se situe l’histoire, il a le même
âge que son personnage. Surtout, il a vécu lui-même le drame de la séparation
de ses parents dont il ne s’est pas remis. Et le point de départ du
récit est le divorce des parents. Or, précisément, c'est ce qu’a fait Spielberg tout occupé
à nourrir les rêves de son cinéma, du Cinéma qui, par définition, nous
sort de la réalité pour nous faire vivre une ou deux heures de pure
illusion. Frank est d’ailleurs plusieurs fois montré devant la TV ce
qui lui permet d’apprendre comment font les médecins dans les Séries
comme "Urgences", avant de les imiter pour de vrai
et dans une salle de cinéma où l’on projette un James Bond, Goldfinger,(dont
il cherche à reproduire l’aisance, la désinvolture et le charme. Cette séquence par ailleurs, peut être décodée
comme illustrant symboliquement le pouvoir de tout réalisateur de film
entouré des plus belles actrices qu’il a, qui plus est, lui-même engagées
pour être ses interprètes. Mais, à l’inverse, Spielberg semble rappeler
que si le spectateur vit d’illusions par le cinéma, il lui est toujours
possible mais dangereux d’imiter le cinéma dans sa propre vie. Frank est porteur de ce regard éternellement enfant, celui même de Spielberg, et ne peut, malgré tous ses efforts pour y accéder, reconstituer une famille avec femme et enfants. Il faudra la double révélation de la mort du père et de la vision cruelle de la mère remariée dans une scène magnifique qui reprend, autrement, la scène de l’abandon dont AI est la victime, pour qu’il retrouve le sens des réalités. Le personnage de l’agent du FBI, Carl Hanratty, lancé
à sa poursuite, est intéressant et ambigu. En effet, loin de
vouloir le stopper brutalement, celui-ci l’accompagne dans sa quête,
tel un père de substitution qui le pousse à faire le choix d’une vie
moins brillante mais stabilisée. Le film qui, passé le préambule, n’était
que mouvement, de la fugue initiale à la fuite effrénée, s’achève dans
l’immobilité d’un bureau quasi anonyme. Dans ce fascinant jeu de miroirs que propose le film, on peut légitimement se demander où se situe Spielberg. N’est-il pas, finalement, tout à la fois Frank par son enfance, son adolescence et sa jeunesse et Carl par sa maturité : celui-ci devant conseiller celui-là et celui-là devant accepter ? Déjà, Minority Report associait, à travers les personnages d’Agatha et de John, l’imaginaire avec Agatha par ses visions étant l’inspiratrice, et l’action par John réalisant ces mêmes visions. Cette dualité correspond par ailleurs aux deux âges de la vie : l’enfance et la maturité, ou à la double dimension du rêve et de la réalité. Le titre français, qui traduit littéralement le titre original, propose un verbe à l’impératif singulier et laisse planer quelques incertitudes sur son sens exact. Est-ce le Spielberg d’aujourd’hui qui s’adresse à cette part ancienne de lui-même ? Ou bien l’imaginaire et le cinéma qui lancent un défi au principe de réalité ? La distribution du film est parfaite. Leonardo Di Caprio, tour à tour charmeur, vulnérable et fragile, est remarquable pendant les 140 minutes. Nathalie baye campe une mère inédite, à la fois proche et lointaine, aimante et incompréhensible comme le sont les adultes aux yeux des enfants. Christopher Walken, impressionnant, est un père étonnant de détermination et de pathétique. Tom Hanks est égal à lui-même, c’est-à-dire très bon. |
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