Les Banshees d'Inisherin , film irlandais de Martin McDonagh , sorti en 2022 Distribution Fiche technique Martin McDonagh Tout le cinéma, autres films

Pádraic est très déstabilisé par le comportement de Colm. Et comme il insiste, Colm pose un ultimatum : chaque fois qu'il tentera de lui parler, Colm se coupera un doigt avec sa cisaille à tondre les moutons. Peu après, Pádraic, ivre, dit à Colm ce qu'il a sur le cœur, puis revient s'excuser. Colm se coupe alors un doigt et le lance contre la porte de Pádraic.

Colm se lie avec de jeunes musiciens venus de l'île principale de l'Irlande. Pádraic fait croire à l'un d'eux que son père a subi un grave accident pour qu'il reparte chez lui. La tension monte, et Mrs McCormick, une vieille femme, fait de sinistres prédictions.

Pádraic rend à nouveau visite à Colm, qui lui annonce fièrement qu'il a terminé la chanson qu'il composait, qui s'appellera "The banshees of Inisherin". Pádraic lui avoue qu'il a poussé un de ses amis musiciens à quitter l'île en lui donnant de fausses informations. Colm se coupe alors les quatre doigts restants de sa main gauche et les lance contre la porte de Pádraic. Siobhán, la sœur de Pádraic, ne supportant plus l'atmosphère, décide de quitter l'île. Pádraic se sent encore plus désemparé. Lorsqu'il retrouve le cadavre de Jenny, son ânesse naine à laquelle il était très attaché, son chagrin est immense. Il annonce alors à Colm qu'il mettra le feu à sa maison le lendemain à 14 heures. Ce qu'il fait, en veillant à mettre à l'abri la chienne de Colm.

Dominic, le fils un peu simplet de Peadar, un policier brutal, est retrouvé noyé dans un lac. La maison de Colm est détruite, mais Colm, qui se trouvait à l'intérieur lorsque Pádraic a mis le feu, est sorti à temps et a survécu. Les deux hommes se retrouvent sur la plage. Colm s'excuse pour la mort de Jenny et remercie Pádraic d'avoir pris soin de sa chienne. Sont-ils quittes avec l'incendie de sa maison? Non, lui répond Pádraic, puisque Colm n'est pas resté dans sa maison en flammes. De loin, la vieille Mrs McCormick les regarde.

L’incompréhension où nous laissent nos semblables est le thème central de cette fable qui sait trouver des résonances en nous, par-delà son excentricité ou grâce à celle-ci. Pour le réalisateur, les humains sont des êtres bizarres qui s’estiment normaux et ne voient ce que leur espèce a de tordu qu’à travers l’autre. Le conflit cruel et sanguinolent qui sépare Colm et Pádraic se double, inextricablement, d’une relation en miroir. Comme la guerre civile qui se joue alors sur la grande île, dans l’Irlande de 1923. Une différence existe, malgré tout, entre les deux hommes : Colm veut créer, composer de la musique, ne plus perdre son temps à ces bavardages quotidiens qui ont, pour Pádraic, une valeur inestimable. Car rien ne vaut la joie de boire une bière avec un bon copain.

Que le sens de la vie soit dans l’art ou dans une pinte partagée au pub, la réponse n’est pas donnée par le scénario, superbement écrit mais jamais sentencieux, cultivant le doute et vraiment troublant. Colm est un misanthrope parfois plein d’affection pour Pádraic, dont l’amitié indéfectible peut devenir autoritaire. Brendan Gleeson et Colin Farrell n’ont pas manqué cette occasion de briller dans un registre émouvant et toujours incertain. Leur performance est l’autre grand spectacle qui nous est offert, avec le décor naturel très impressionnant des îles d’Aran et d’Achill. Une immensité rude où passent un adorable petit âne et une banshee, figure du folklore irlandais réputée pour annoncer la mort. S’attendrir et trembler : presque un résumé de ce film étonnant de bout en bout.

Une question lancinante posée par le scénario : Pourquoi Colm se coupe-t-il les doigts ? Colm dit à Pádraic qu'il ne veut plus être ami avec lui parce qu'il veut se concentrer sur la musique. Il joue du violon ce qui rend ses doigts d'autant plus importants pour lui, c'est pourquoi il est plutôt difficile de croire que Colm se ferait du mal. Pourquoi se priverait-il de la chose même à laquelle il veut consacrer le reste de sa vie ? Plus important encore, pourquoi ne pas menacer Pádraic, étant donné qu'il est le problème dont Colm ne semble pas pouvoir se débarrasser ? Mais ce n'est pas exactement Pádraic qu'il veut garder à distance. Il se sent menacé par son impermanence et le fait qu'il n'a rien fait pour laisser une trace dans le monde. Il considère sa propre réputation illusoire par opposition à l'art qu'il laissera derrière lui. Les gens l'oublieront peut-être dans cinquante ans, mais ils se souviendront (peut-être) de sa musique. Et pour faire cette musique, il doit se consacrer et éliminer toutes les distractions de sa vie. Malheureusement, Pádraic se trouve être le pire d'entre eux, c'est pourquoi Colm est si têtu à l'exclure complètement de sa vie.

Colm sait à quel point il est facile de se replier sur ses habitudes et d'oublier ce qu'elles étaient censées faire. Il pourrait jouer du violon toute sa vie, il sait que sans aucune action sévère de sa part, il se retrouverait sur son lit de mort sans avoir fait ce qu'il avait prévu. Ce besoin de ne plus perdre de temps dans sa vie pousse le personnage à tester ses propres limites. La nature auto-imposée de sa punition révèle cependant que c'est contre lui-même qu'il est en colère, pas contre Pádraic. Il se soucie toujours de l'homme qui était son meilleur ami, mais il craint également de ne pas vivre assez longtemps pour exercer le talent qu'il a pour la musique.

Dans le film est évoqué l'exemple de Vincent Van Gogh, qui s'était coupé l'oreille. Alors que l'un soutient que cela n'a pas affecté sa capacité à peindre, Farrell a expliqué que «l'essentiel est qu'ils (Van Gogh et Colm) sont tous deux des actes de violence très profonds contre eux-mêmes. C'est de l'origine de ce besoin, de ce désir, de cette dévotion qu'il s'agit. C'est pourquoi Colm tourne la colère et la violence vers lui-même, plutôt que de l'infliger à quelqu'un d'autre. D'une certaine manière, cet acte violent reflète aussi la violence de la guerre dont nous n'entendons parler que dans les conversations et les coups de canon lointains sur le continent. La discorde entre Pádraic et Colm est une allégorie de la guerre civile irlandaise. La rupture soudaine de Pádraic et Colm est le reflet de la guerre civile particulièrement sanglante et affreuse entre des personnes qui avaient été du même côté à peine six mois ou un an auparavant, et qui croyaient toutes plus ou moins en la même chose (L'indépendance de l'Irlande).

Colm se coupe les doigts comme un ultimatum à lui-même. Il termine la chanson qu'il avait commencé à écrire lors de sa première rupture avec Pádraic, mais le fait qu'il ne pourra plus jamais écrire un autre morceau est ce qui le pousse à essayer encore plus de s'en tenir à ses objectifs.

La banshee est parfois désignée d'après son comportement : en Irlande par bean chaointe , c'est-à-dire la « femme qui hurle des mélopées funèbres ». La banshee du folklore concerne toutes les légendes et croyances populaires des îles Britanniques (Irlande et Grande-Bretagne). Ces légendes étaient transmises de génération en génération, principalement par voie orale (contes, récits, chants, rites). Les banshee sont restées un objet de croyance depuis le Moyen Âge jusqu'au début du XXe siècle où les légendes et contes populaires ont été collectés par des chercheurs.

Chaque grande famille irlandaise avait sa propre banshee. « Une des plus belles superstitions des fictions irlandaises est d'assigner à certaines familles d'une vieille souche et d'un rang distingué, le privilège d'une banshie, ainsi nommée, ou fée domestique, dont l'office est d'apparaître en deuil pour annoncer la mort prochaine d'un membre de cette race. »

Une caractéristique majeure du folklore de la banshee est son lien avec l'annonce ou le présage de mort. Dans les traditions et récits médiévaux, la manifestation de la banshee était liée aux aspects guerriers, avec l'annonce des morts durant les batailles sanglantes et la symbolique du passage vers l'Autre Monde (chrétien ou paganiste). À l'époque moderne, dans le contexte d'une société paisible, la banshee annonce généralement les morts (de cause naturelle) au sein d'une famille ou d'une maison.

Distribution

• Colin Farrell  : Pádraic Súilleabháin
• Brendan Gleeson : Colm Doherty
• Barry Keoghan  : Dominic Kearney
• Kerry Condon : Siobhán Súilleabháin
• Pat Shortt : Jonjo Devine

Fiche technique

• Réalisation et scénario: Martin McDonagh
• Photographie : Ben Davis
• Montage : Mikkel E.G. Nielsen
• Musique : Carter Burwell
• Production : Graham Broadbent, Peter Czernin et Martin McDonagh
• Pays de production : Irlande, États-Unis et Royaume-Uni
• Durée : 109 minutes
• Dates de sortie : 4 septembre 2022 (avant-première à la Mostra de Venise)
  • France : 28 décembre 2022
• Mostra de Venise 2022 :
  • Prix du meilleur scénario ;
  • Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine pour Colin Farrell
• Golden Globes 2023 :
  • Meilleur film musical ou de comédie;
  • Meilleur acteur dans un film musical ou une comédie pour Colin Farrell;
  • Meilleur scénario
  • 5 autres nominations