Black Coal, film chinois (Hong-Kong) de Diao Yi'nan, sorti en 2014. Un film policier noir et libre, justement récompensé à Berlin. Diao Yi'nan a du composer avec la censure avant de pouvoir sortir son film. Par exemple, c'est à la demande des autorités que le réalisateur a changé l'inspecteur en agent privé, car son alcoolisme donnait une mauvaise image de la police.
Ours
d'or 2014 à Berlin Distribution:
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Critique En 1999, un corps sans vie est retrouvé. La victime était
employée dans une exploitation minière de charbon. Elle a été découpée
en plusieurs morceaux, dispersés aux quatre coins de la Mandchourie.
L'inspecteur Zhang dirige l'enquête, mais doit rapidement abandonner
l'affaire après avoir été blessé lors de l'interpellation des principaux
suspects. Les figures du privé solitaire et de la femme fatale, chers à la grande époque du cinéma américain des années 1950, sont ici totalement refondues et revigorées au contact d’une Chine hivernale, grisâtre, écrabouillée entre la déréliction du communisme et les ravages du libéralisme. Tout cela est sombre, glauque, mais la mise en scène de Yinan est d’une puissance et d’une netteté de tous les instants. A chaque plan, quelque chose palpite, saisissante, sans un instant de relâchement. Le film décrit aussi un pays en pleine mutation: Dans la lointaine province où se déroule l'action, le réalisateur saisit l'éclosion de petits capitalistes sur le point de devenir grands. Et avec eux le règne naissant d'un business florissant. Hormis les passions meurtrières, qui, elles, sont éternelles, tout change en Chine, en ce début de siècle. La mise en scène de Diao Yi'nan est bourrée d’audaces, foisonnante d’idées enthousiasmantes qui, précisément, trouvent à chaque fois l’équilibre qu’on pouvait penser impossible entre citations d’un grand classicisme et fulgurances qui réinventent le genre. Comme si Black Coal ne cessait de rappeler quelque chose sans jamais donner l’impression de déjà-vu. Une ellipse de plusieurs années en un seul plan lumineux, une fusillade immobile, une poursuite amoureuse en patins à glace, une fête foraine d’une tristesse abyssale, le tout systématiquement éclairé au néon blafard qui n’existe plus que dans de lointains souvenirs de cinéma adolescent, Diao Yinan fait souvent mouche et, surtout, ne s’égare jamais. Muni des pièces d’un vieux puzzle, motif le plus puissant du film, le cinéaste forme une fresque flambant neuve, hargneuse et cafardeuse, d’où jaillit sans prévenir une nouvelle et étincelante nuance de noir. Le film noir a toujours permis, même à Hollywood, de dévoiler les turpitudes des mœurs. Diao Yi'nan s'en saisit pour révéler, rusant avec la censure, un pays glacé et sombre, artificiellement éclairé par des néons sinistres, où des buveurs nocturnes, tombés de leur moto, s'endorment au bord des routes, ivres d'alcool et de chagrin et où des femmes, vu la façon dont on les traite, n'ont d'autre issue que de devenir ce que les hommes veulent qu'elles soient. |