Les Enfants de la ruche, de Hiroshi Shimizu

Les Enfants de la ruche (蜂の巣の子供たち, Hachi no su no kodomotachi), film japonais réalisé, scénarisé et produit par Hiroshi Shimizu, sorti en 1948

 


Japon, gare de Shimonoseki. Un soldat rapatrié du front renonce à prendre son train. Il veut donner du pain à un garçon rencontré à la gare. Bien que celui-ci lui dise qu'il se contentera de la moitié, l'homme finit par lui donner tout son repas. Il découvre ainsi les règles qui régissent cette société parallèle où survivent les orphelins. Le réalisme de cette scène a sûrement été inspiré par des événements vécus tant les attitudes semblent marquées par l'expérience personnelle d'une dure réalité. Ces enfants orphelins survivent en se livrant à de petits trafics de marché noir sous l'étroite surveillance d’un unijambiste. Le soldat, lui-même orphelin, n’a nulle part où aller, il part sur la route avec son barda. Bientôt certains de ces enfants, qui fuient la gare à la suite d'une descente de police, le rejoignent. Il décide de les prendre sous son aile et de les emmener à Mikaeri no tō (la Tour d'introspection), le foyer où il fut lui-même élevé.

Après la Seconde Guerre mondiale, nombreux sont les enfants orphelins qui vivent de la mendicité dans les grandes villes. Hiroshi Shimizu recueille chez lui certains d'entre eux et confie à Tadamoto Ōkubo, un réalisateur au chômage, le rôle de les élever. Il décide de tourner un film avec ces enfants et fonde La Production de la ruche en 1948. Mais il se défendait de les avoir recueillis dans le seul but de les faire jouer dans ses films. Si leur présence à l'écran servait le réalisme du film, le tournage représentait avant tout une sorte d'école, un lieu d'éducation.

C' est le premier film réalisé par Hiroshi Shimizu depuis son départ de la Shōchiku après la guerre, il le produit lui-même en dehors du système des grands studios par l'intermédiaire de sa propre société de production indépendante, et le film est distribué par la Tōhō. En dehors de Shimizu, de Tadamoto Ōkubo, du chef opérateur Saburō Furuyama et de l'assistant réalisateur Shin'ichi Sekizawa, toute l'équipe et les acteurs sont des non-professionnels, le tournage se fait entièrement en extérieur.

Shimizu élargit ses cadrages comme s'il voulait lui aussi respirer l'air qui l'entoure. Comparé aux mouvements de caméra d'un Kenji Mizoguchi, filmant des luttes teintées d'amour et de haine entre puissants, ou à la composition spatiale rigoureuse d'un Yasujiro Ozu, les images de Shimizu ont quelque chose de libre, diffus, ouvert. Une route, des enfants qui marchent, comme s'ils appartenaient au paysage; la caméra adopte un plan très large et se déplace lentement en suivant leur rythme. Au cours du voyage, un enfant se trouve confronté à la mort de façon brutale. «Si je voyais la mer, je suis sûr que je guérirais.» Pour lui montrer la mer, un de ses compagnons escalade la montagne en le portant sur son dos. Le doux mouvement latéral qui imprimait son rythme au film jusque-là se transforme soudain en un mouvement vertical qui suit l'ascension. La caméra progresse dans la pente en même temps que les protagonistes. Le corps du jeune porteur luttant contre la gravité et l'obstination féroce du travelling de la caméra semblent conjuguer leur force pour élever la séquence dans une autre dimension. Dès lors, le film cesse d'être un simple documentaire-fiction où jouent de véritables orphelins, pour se cristalliser en idéal de vie de filmer l'enfance.

Il était interdit de montrer les occupants à l'écran et en conséquence, Shimizu a dû constamment effectuer des recadrages en tournant dans les gares pour ne pas filmer de GI, mais il a pu inclure dans son film une scène tournée à Hiroshima à une période où toute allusion à la bombe atomique est formellement interdite par les forces d'occupation américaine.

Deux suites sont tournées avec ces mêmes enfants dans les années qui suivent : Ce que sont devenus les enfants de la ruche (その後の蜂の巣の子供達, Sono go no hachi no su no kodomotachi, 1951) et Les Enfants du Grand Bouddha (大仏さまと子供たち, Daibutsu-sama to kodomotachi, 1952).

Shimizu déclare : il n'est pas difficile de faire jouer des enfants de manière naturelle. Si l'on exigeait des enfants de faire les choses comme le désirent les adultes, ce serait certes difficile, mais si on les laisse libres de s'exprimer comme ils l'entendent, sans que personne ne leur fournisse de directives, leur jeu est d'emblée naturel. Dans le jeu d'un adulte, il y a du mensonge, pas dans celui d'un enfant. Il est aussi naturel que lorsqu'il respire. Et dans un film, il faut des gens qui jouent comme ils respirent.

Distribution

  • Shunsaku Shimamura : Shimamura, le soldat rapatrié
  • Masako Natsuki : Yumiko Natsuki
  • Gosho Shoichi : l'unijambiste
  • Kiyomi Imoto : le médecin

Fiche technique

  • Titre original :蜂の巣の子供たち, Hachi no su no kodomotachi
  • Scénario et réalisation : Hiroshi Shimizu
  • Photographie : Saburô Furuyama
  • Musique : Senji Itô
  • Production : Hiroshi Shimizu
  • Format : noir et blanc - 1,37:1 - Format 35 mm - Son mono
  • Durée : 86 minutes
  • Date de sortie : 24 août 1948