Pieta

Pieta, film sud-coréen écrit, produit et réalisé par Kim Ki-duk, sorti en 2012

Un film noir et libre, récompensé à Venise. Le réalisateur écrit le scénario, dont le titre fait référence à la sculpture La Pietà de Michel-Ange, en 2011 à Paris.

  • Titre original : Pi-E-Ta
  • Réalisation : Kim Ki-duk
  • Scénario original : Kim Ki-duk
  • Production : Kim Ki-duk
  • Pays de production : Corée du Sud
  • Musique originale : Bak Inyeong
  • Photographie : Jo Yeong-jik
  • Dates de sortie : 4 septembre 2012 (Venise 2012)
    • France : 10 avril 2013
  • Durée : 104 minutes

Lion d'or à la Mostra de Venise 2012

Distribution:

  • Jo Min-soo : Mi-seon
  • Lee Jeong-jin : Kang-do
  • Woo Gi-hong : Hoon-cheol
  • Kang Eun-jin : Myeong-ja, la femme de Hoon-cheol

Critique

Kang-do, usurier, n'hésite pas à mutiler sans états d'âme ses clients, afin que l'indemnisation de l'assurance rembourse les taux d'intérêts exorbitants qu'il impose. Un jour, une femme prétendant être sa mère frappe à sa porte. Se sentant coupable d'avoir abandonné son enfant et de l'avoir laissé grandir sans amour, elle observe, voire se rend complice des exactions de son fils. Ce dernier, au moyen d'actes violents, se laisse finalement convaincre et l'accepte comme sa mère. En même temps qu'une certaine complicité s'installe entre eux, Kang-do doit faire face à ses propres exactions pour retrouver sa mère qui se fait croire piégée.

Tout commence par un suicide et tout finit par un autre suicide, causés par le harcèlement physique et moral d’un jeune usurier sadique et inconscient, Kang-do. Abandonné nourrisson par sa mère, isolé de toute forme de société humaine, le jeune Kang-do récolte les dettes de son patron auprès d’ouvriers qu’il mutile pour en récupérer l’assurance. On ressent tout de suite un malaise profond dans le plaisir esthétique évident que prend Kim Ki-duk à filmer en gros plans les instruments de torture, les visages envahis par la souffrance des victimes du recouvreur de dettes amplifiée par la saturation des sons, notamment des hurlements de douleur.

L’hystérie visuelle et auditive est tellement répétée et martelée que les pauses contemplatives ne provoquent que l’angoisse du retour à l’extrémisme d’une violence sans fard. Les figures sacrificielles annoncées par le titre sont nombreuses, ce sont les anonymes, vite torturés vite oubliés, Kang-do lui-même, victime de l’abandon d’une mère et de la violence de son patron et la mater dolorosa, la vraie Pietà.

L’univers animal et auto-suffisant de Kang-do est vite perturbé par l’arrivée d’une belle femme, énigmatique et épatante, qui prétend être sa mère. La tendresse revient alors progressivement en lui sans pouvoir parvenir à le sortir du cycle infernal de la violence. Même dans les moments de rapprochement entre mère et fils, Kim Ki-duk ne peut s’empêcher de sombrer dans une frontalité glauque, poisseuse et répulsive : le sexe n’est que masturbation, la tendresse maternelle est nécessairement incestueuse, les repas un amas de tripes de volailles.

D'abord violemment repoussée, cette offre d'amour maternel finit par faire son effet sur le recouvreur de dettes. Pieta devient alors le récit d'un retour à l'humanité. Pour autant, Kim Ki-duk n'éclaircit pas sa palette. Le film reste parcouru d'un terrible pessimisme qui trouve son expression à chaque plan. Même le geste qui symbolise le mieux la foi dans l'avenir, la plantation d'un jeune arbre, est ici dévoyé.

Dans ces paysages froids de friches industrielles, Kim Ki-duk met son élégance un peu trop raffinée au service de la critique sociale d’une Corée abandonnée à son propre sort, de la peinture de la brutalité du monde et de ceux qui l'habitent. On se sait pas exactement pourquoi, le jury de Venise, aux décisions souvent contestables, a été séduit par cette noirceur désespérée.