Pluie noire commence à Hiroshima le 6 août 1945. Il fait très chaud. Les gens partent au travail. Soudain, un éclair, le fameux « éclair blanc », déchire le ciel. Sa lueur aveuglante s'accompagne d'un souffle terrible et l'enfer se déchaîne. Des fantômes déguenillés et mutilés errent dans les amas de gravats et de madriers. Le film se focalise sur Yasuko. Au moment de l'explosion, la jeune fille est sur un bateau, en route vers la résidence campagnarde de son oncle. Une pluie noire s'abat sur la mer et sur les passagers. Ceux que cette pluie a touchés, souillés, ne savent pas encore qu'ils ont été irradiés. Quelques années plus tard, Yasuko vit à la campagne avec
son oncle et sa tante. Des rescapés. La guerre est finie, la vie a repris
ses droits. Et c'est dans une ambiance de nature sereine, apaisante, presque
idyllique que lentement l'idée de la mort inévitable s'installe. Yasuko
ne trouve pas à se marier. On craint sa maladie. Les victimes de la
bombe sont devenus les "hibakusha", mot formé pour l'occasion. Yuishi, un ancien soldat traumatisé par les combats, est le seul être dont elle pourrait partager l'existence. Pluie noire est un film étrange, irritant par certains côtés, déconcertant dans sa construction, ses ruptures de rythme, incontestablement bouleversant dans sa dernière demi-heure. Et décalé, par rapport aux précédentes mises en scène d'Imamura. On dirait qu'il surgit d'un éboulis de terrain qui aurait, soudain, dégagé un monde autrefois enfoui. La pellicule est en noir et blanc, alors que nous avions l'habitude, chez Imamura, de la couleur flamboyante. Dans sa jeunesse, à la fin de la guerre, Imamura a fréquenté les prostituées et les mauvais garçons, il a défendu la cause du petit peuple japonais, paysans déracinés à la ville, voleurs, mendiants, misérables de tout poil. Tout cela est évident dans les deux fresques historiques : Eijanaika et Zegen. Et bien sûr dans l'admirable Ballade de Narayama (1983) qui montrait les moeurs barbares du Japon des années 1860, dans un naturalisme violent, coloré et d'une insoutenable beauté. Ce cinéaste japonais réduit en miettes les représentations officielles de l'histoire du Japon. C'est un cinéaste violent, lyrique, baroque, passionné qui, avec Pluie noire, fait, après quelques visions d'apocalypse, entendre des chuchotements plus que des cris, glisse vers l'intimisme feutré, et se place hors du temps en ayant l'air de revenir au passé des années 1945. Ce film correspond à une nécessité pour Imamura de porter à l'écran un roman du vieil et important écrivain japonais Masuji Ibuse, dans lequel il est écrit que « la vie n'est pas faite pour attendre la mort ». Il répond aussi à la nécessité pour lui de montrer des individus confrontés à la mort, à la peur d'une mort qui progressivement les gagne. Il fallait ce style épuré, d'une inquiétante langueur, il fallait l'extraordinaire pudeur des interprètes dans le déchirement, la peur et la souffrance, comme celle de Yasuko perdant ses cheveux et reconnaissant le travail de la mort lente, pour, sur le thème cher à Imamura du destin récurrent, dépasser le phénomène historique et revenir aux racines du destin humain. Il y a enfin l'hommage à Alain Resnais et Marguerite Duras pour leur inoubliable Hiroshima mon amour. Dans ce film on trouve le thème de l'impossibilité de faire un film sur la bombe atomique, Imamura nous dit, lui aussi, à sa façon : « Tu n'as rien vu à Hiroshima », parce que l'on ne peut pas vraiment représenter l'apocalypse. Mais il est courageux de le tenter. |
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Distribution
Fiche technique
Récompenses ( 22 prix ) dont:
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