The Quiet Girl (An Cailín Ciúin) film irlandais de Colm Bairéad, sorti en 2022

Fiche technique et distribution


Benjamine d'une famille nombreuse avant une prochaine naissance, Cáit, 9 ans, est une enfant délaissée. Ses parents miséreux s'en détournent et ses sœurs aînées la méprisent. Elle qui fait encore pipi au lit et lit avec difficulté ne s'intègre guère à l'école. Il est alors décidé de l'envoyer passer l'été dans la ferme d'Eibhlín Cinnsealach, une cousine éloignée, qui vit seule avec son mari Seán. Dans cet endroit chaleureux, la fillette est cordialement accueillie par la maîtresse de maison. Eibhlín lui fait couler un bain, la lave avec soin, la coiffe précieusement et lui prête des habits de garçon, la valise ayant été négligemment oubliée dans la voiture repartie. Taiseux, Seán garde ses distances.

Eibhlín apprend à Cáit les tâches ménagères et lui montre un puits profond où prendre prudemment de l'eau. Un jour, appelée au chevet d'un voisin malade, elle confie la petite à Seán. Occupé à nettoyer l'étable, l'homme ne la voit pas s'éloigner. Inquiet, il finit par la retrouver et la gronde. Effrayée, Cáit s'échappe encore. Pris de remords, le fermier finit par s'adoucir. Un biscuit d'abord et des courses chronométrées jusqu'à la boîte aux lettres le rapprochent de la fillette. Il convainc son épouse hésitante à l'emmener en ville pour lui acheter des robes colorées afin de remplacer les vêtements de garçon qu'elle porte depuis son arrivée.

De retour, ils apprennent que le voisin malade est décédé. Tous trois assistent à la veillée funèbre. Alors que Cáit semble s'ennuyer sur sa chaise, Eibhlín accepte la proposition d'une voisine de l'emmener chez elle quelques heures pour jouer avec ses enfants. Sur le chemin, cette commère hargneuse questionne la fillette au sujet des Cinnsealach. Elle lui apprend alors que leur fils unique, poursuivant le chien, est mort noyé en tombant dans la fosse à purin. Cette nouvelle bouleverse Cáit qui finit par confier son émoi au couple venu la rechercher. Blessé, celui-ci ne peut qu'admettre la vérité.

L'été s'achève. Alors que Seán aide un voisin, Eibhlín s'occupe des vaches, laissant la fillette seule dans la cuisine. Remarquant le seau vide, elle se décide à aller chercher de l'eau, mais, déséquilibrée, tombe dans le puits. Alertée, Eibhlín accourt et cherche en vain Cáit dans la maison, avant de la retrouver au loin, trempée, frigorifiée. Quelques jours plus tard, le couple ramène la fillette un peu malade chez elle. Sa mère, qui a mis au monde un garçon, les reçoit comme elle le peut. L'arrivée du père crée une tension et Cáit, éternuant à plusieurs reprises, est interrogée sur son état enrhumé. Il est temps de partir pour les Cinnsealach. Alors qu'elle regarde la voiture disparaître dans la longue allée, la petite s'élance soudain et court pour la rattraper juste avant que Seán ne referme le portail. Elle saute dans ses bras et le serre fort, alors qu'Eibhlín, très émue, demeure dans le véhicule. Au loin s'avance le père agacé. En l'apercevant, Cáit lâche un "Papa" inquiet, avant de murmurer à nouveau le mot à l'oreille de Seán.

Une évocation de l’enfance délicate et bouleversante, un personnage inoubliable : voilà qui peut expliquer le véritable phénomène qu’est devenu ce film irlandais, remarqué jusqu’aux Oscars. Inspiré par une longue nouvelle de la romancière Claire Keegan (Les Trois Lumières), un peu sauvage, très timide, la petite Cáit pourrait être l’héroïne d’un conte sombre, comme La Petite Fille aux allumettes, d’Andersen, tant elle semble sans défense. Le couple se rapproche petit à petit de Cáit, nouant avec elle un lien affectif qui finit par prendre le pas sur celui qu'elle entretient avec ses parents.

Le réalisateur, dont c’est le premier film, dit avoir volontairement rendu assez intemporelle l’atmosphère de cette histoire, située en 1981, afin d’y faire passer l’ombre menaçante d’une Irlande où la maltraitance des enfants, notamment dans les institutions religieuses, a sévi tout au long du XXe siècle. Sur ce fond de dureté, Colm Bairéad met en scène des êtres fragiles : une quasi-orpheline à l’abandon et un couple qui cache une blessure secrète. Pour ce trio, il va être question de s’apprivoiser, au fil d’un prudent apprentissage de la vie en commun, du partage. Le film passe ainsi, peu à peu, de la menace possible à la protection nécessaire, montrée comme l’essence même de la relation entre Cáit et ses parents d’adoption.

Une émotion naît de l’engagement qui s’exprime pour les droits de l’enfance, sans qu’il soit besoin d’aucun discours. La beauté du film repose, en effet, sur la pure sensibilité des personnages, tous pudiques et taiseux, subtilement interprétés. Dans leurs silences, un autre langage naît, fait de gestes, de moments où la tendresse trouve à s’exprimer autrement que par des mots — par exemple à travers le motif d’une tapisserie où le départ d’un train évoque la séparation… Un monde visuel que le réalisateur organise comme un musicien, par petites touches trouvant une magnifique résonance.

Le premier long métrage de Colm Bairéad est à plus de 90% tourné en gaélique irlandais. L'écart avec l'anglais est utilisé comme élément dramaturgique marquant le fossé entre les personnages, notamment entre la protagoniste et son père. Malgré un scénario très simple, construit autour d'un secret que l'on devine assez rapidement, le film convainc grâce à la présence délicate de Catherine Clinch dans le rôle principal, dont le film épouse le point de vue de bout en bout. Colm Bairéad a eu la bonne idée de réduire l'intrigue au minimum en mettant l'accent sur les sensations vécues de Cáit au contact avec la nature et les animaux, et sur la gêne que peut créer la différence de ressources entre ses familles biologique et quasi- adoptive. Cáit, surtout filmée de dos ou de profil au début, passe de l'apathie, et même de l'enfouissement, quand l'ouverture du film, inquiétante, la saisit inerte, tapie dans les herbes, à une énergie physique apte à défier tout déterminisme social, et changer une trajectoire pré-dessinée.

 

Fiche technique:

  • Titre original : An Cailín Ciúin
  • Titre international : The Quiet Girl
  • Réalisation : Colm Bairéad
  • Scénario : Colm Bairéad, d'après la nouvelle de Claire Keegan
  • Photographie : Kate McCullough
  • Montage : John Murphy
  • Musique : Stephen Rennicks
  • Durée : 94 minutes
  • Dates de sortie : 11 février 2022 (Berlinale)
    • France : 12 avril 2023
  • Distinctions : Bernilale 2022, Ours de cristal du jury international Generation Kplus du meilleur film et mention spéciale du jury des enfants.

Distribution

  • Carrie Crowley : Eibhlín Cinnsealach
  • Andrew Bennett : Seán Cinnsealach
  • Catherine Clinch : Cáit
  • Michael Patric : Athair Cháit (Da)
  • Kate Nic Chonaonaigh : Máthair Cháit (Mam)