Rebecca, film américain de Alfred Hitchcock, sorti en 1940

Distribution:

  • Laurence Olivier : Maxime de Winter
  • Joan Fontaine : la nouvelle Mrs. de Winter
  • Judith Anderson : Mrs. Danvers (la gouvernante)
  • George Sanders : Jack Favell (le cousin et amant de Rebecca)
  • Nigel Bruce : le major Giles Lacy
  • Gladys Cooper : Beatrice Lacy
  • Reginald Denny : Frank Crawley
  • C. Aubrey Smith : Colonel Julyan
  • Melville Cooper : le coroner
  • Florence Bates : Mrs. Edythe Van Hopper
  • Leonard Carey : Ben
  • Leo G. Carroll : Dr. Baker
  • Edward Fielding : Frith
  • Lumsden Hare : Tabbs
  • Forrester Harvey : Chalcroft

Fiche technique:

  • Titre original : Rebecca
  • Réalisation : Alfred Hitchcock
  • Scénario : Joan Harrison et Robert E. Sherwood d'après le roman éponyme de Daphne du Maurier
  • Musique : Franz Waxman
  • Directeur de la photographie : George Barnes
  • Directeur artistique : Lyle R. Wheeler
  • Production : David O'Selznick
  • Date de sortie : 12 avril 1940 (USA)
  • Noir et blanc
  • Durée : 130 minutes
  • Oscar du meilleur film

Une pleine lune fuyant derrière des nuages noirs et lourds de menace d'orage et une voix "off" féminine déclarant: "Last night, I dreamt I went to Manderley again." ("J'ai rêvé que je retournais à Manderley "). La voix poursuit tandis que la caméra nous fait franchir un parc noyé dans la brume avant de révéler la silhouette gothique de "Manderley, secret et silencieux". Mais la majestueuse demeure ne révèle que des ruines et la voix conclut "Nous n'irons plus à Manderley ".

Ainsi s'ouvre Rebecca, premier film tourné à Hollywood par Alfred Hitchcock en 1940, cinéaste déjà célèbre et respecté grâce à toute une série de grands succès réalisés dans son pays natal, l'Angleterre. Pour ses débuts américains, le tout puissant producteur David O. Selznick qui vient tout juste de triompher avec Autant en emporte le vent (Gone With The Wind, 1939) met dans les mains d'Hitchcock un "best-seller" de la romancière anglaise Daphné du Maurier dont le réalisateur venait tout juste de tourner une autre adaptation de ses oeuvres, L'Auberge de la Jamaïque (Jamaïca Inn, 1939). Le film aura donc une histoire et une couleur résolument anglaise. Rebecca sera un thriller romantique à l'esthétisme gothique et l'un des plus beaux films d'Hitchcock, le seul à remporter un Oscar du meilleur film

Mrs. Edythe Van Hopper, respectable veuve déjà âgée, accompagnée de sa jeune demoiselle de compagnie, est en villégiature sur la Côte d'Azur, lorsque leur chemin croise celui de « Maxime » de Winter, riche veuf, qui n'a aucun mal à séduire la jeune fille et, dans la foulée, à l'épouser et l'emmener dans sa demeure ancestrale de Manderley, quelque part sur la côte sud-est de l'Angleterre.

Les premiers contacts avec le personnel du château, régenté par la gouvernante Mrs. Danvers, sont glaciaux. Cette dernière, en effet, attachée depuis toujours au service de la précédente Mrs. de Winter, Rebecca, et lui vouant une passion sans limite, même à titre posthume, pardonne difficilement l'intrusion de l'« usurpatrice »

Tout est parfait dans cette oeuvre: l'histoire avec ses rebondissements inattendus; les personnages et notamment les trois principaux magnifiquement interprétés; l'ambiance oppressante régnant à Manderley avec l'opposition entre la silhouette gracile de Joan Fontaine et les immenses portes et fenêtres; le suspense toujours plus grand et qui commence dès la première séquence montrant Maxime debout au sommet d'une falaise.

La mise en scène est d'une virtuosité toute hitchcockienne et s'exprime parfois de façon très fugace comme dans ce génial plan de la découverte par Joan Fontaine de Manderley, la maison apparaissant sous un double arc, l'un enchâssant l'autre, celui des arbres surplombant la route et celui des gouttes de pluie sur le pare-brise de la voiture et dessiné par l'essuie glace; la photographie due à George Barnes qui joue d'un superbe jeux des ombres avec la lumière renforcé par un noir et blanc somptueux, notamment sur les visages.

Daphné du Maurier eut un trait de génie, scrupuleusement respecté par les scénaristes: le personnage de la "deuxième Mrs de Winter " ne possèderait pas de nom ou, du moins, jamais ne le connaîtrons-nous. Ainsi, seul, règne en maître celui de "Rebecca " non seulement prononcé un nombre incalculable de fois mais que Hitchcock se complaît également à nous mettre sans cesse sous les yeux (et surtout ceux de Joan Fontaine) sous la forme de son initiale "R " brodé ou écrit un peu partout. Présence obsédante du nom "Rebecca" qui semble incarner, donner corps au fantôme de la "première Mrs de Winter " et nier l'existence même de l'anonyme "usurpatrice " du titre selon les sentiments de la terrible Mrs Danvers.

Le personnage de Joan Fontaine se heurte ainsi dès son arrivée à l'écrasant domaine de Manderley à une double opposition féminine, bien identifiée: Rebecca et Mrs Danvers. Et son sentiment de ne pas exister en tant que personne, femme et épouse de Max, trouve une parfaite illustration lorsqu'elle répond à un appel téléphonique intérieur d'un de ses serviteurs par "Mrs de Winter ? Vous faites erreur. Elle est morte depuis plus d'un an. " avant de réaliser que désormais elle est la seule et unique Mrs de Winter. Mais comment pourrait-elle l'être pleinement, elle si timide devant l'image de beauté, d'intelligence et d'esprit laissée par Rebecca, la plus belle femme au monde selon Franck, le régisseur et ami de Max ?

La chambre de Rebecca, gardée intacte telle un mausolée par les bons soins de Mrs Danvers et à l'intérieur de laquelle elle se retrouve piégée par la gouvernante semble elle-même vouée à l'aspirer et à l'étouffer. Joan Fontaine est aussi juste dans son jeu qu'adorable dans ses expressions de joie et de timidité qu'elle le sera un peu plus tard dans Soupçons et il n'eut pas été injuste qu'elle remporte son Oscar dès ce film-ci. Laurence Olivier se montre parfait de charme décontracté, d'ironie toute anglaise mais aussi d'ambiguïté. Malgré son attitude peu sympathique envers sa partenaire hors écran, il sut très bien ne rien en laisser paraître et le couple est très crédible, notamment durant la charmante première partie, celle de l'idylle monégasque.

Mais si Joan Fontaine et Laurence Olivier offrent de remarquables interprétations, le spectateur de Rebecca gardera très longtemps en mémoire le terrible visage et la sèche diction de Judith Anderson, l'inoubliable Mrs Danvers, vrai monstre hitchcockien. Avec son maintien raide, sa robe noire, ses mains toujours tenues l'une sur l'autre, sa façon d'apparaître et de disparaître dans le dos de Joan Fontaine sans le moindre bruit, son visage ingrat et son regard glacial, le personnage s'impose comme l'une des figures les plus illustres de la filmographie d'Alfred Hitchcock. Sa première apparition à l'écran est inoubliable.

Devant tous les domestiques alignés pour accueillir le retour de leur patron et de sa nouvelle épouse, Mrs Danvers glisse du côté gauche de l'écran au centre puis un gros plan sur son visage rêche, sa coiffure tirée à quatre épingles et son regard hypnotique (qui ne cille jamais) l'oppose d'entrée à une Joan Fontaine déjà terrorisée et aux cheveux défaits et trempés, en état de passivité et d'infériorité évidente... Jusqu'à la fin du film, Mrs Danvers marquera la pellicule de son empreinte, à mi-chemin entre un fantôme et un "Nosferatu" et l'on n'est pas près d'oublier sa silhouette noire et raide au milieu des flammes.

Citations d'Hitchcock in Le Cinéma selon Hitchcock, François Truffaut, Robert Laffont, 1966:
"Ce n'est pas un film d'Hitchcock. C'est une sorte de conte et l'histoire elle-même appartient à la fin du XIXe siècle. C'était une histoire assez vieux jeu, assez démodée. Rebecca est une histoire qui manque d'humour. "
"Je pense que d'une certaine manière, le film est l'histoire d'une maison ; on peut aussi dire que la maison est un des trois personnages principaux du film. Souvenez-vous que la maison n'avait aucune situation géographique; elle était complétement isolée. C'est instinctif de ma part. Je dois garder cette maison isolée pour m'assurer que la peur y sera sans recours. La maison dans Rebecca est éloignée de tout. Vous ne savez même pas de quelle ville elle dépend. "

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