Touristes (Sightseers)

 

Touristes (Sightseers) film britannique de Ben Wheatley, sorti en 2012.

Un film décapant à l'humour noir féroce.

Distribution:

  • Alice Lowe : Tina
  • Steve Oram : Chris
  • Eileen Davies : Carol
  • Richard Glover : Martin
  • Monica Dolan : Janice
  • Jonathan Aris : Ian

Fiche technique:

  • Titre original : Sightseers
  • Réalisation : Ben Wheatley
  • Scénario : Alice Lowe, Steve Oram, Amy Jump
  • Image : Laurie Rose
  • Montage : Robin Hill, Amy Jump, Ben Wheatley
  • Production : Edgar Wright
  • Musique originale: Jim Williams
  • Sortie en France : 26 décembre 2012
  • Durée : 88 minutes
  • Récompenses (2012):
    • British Independent Film Awards, meilleur scénario
    • Empire Awards, UK, meilleur film britannique

Bande annonce sur Dailymotion

Fiche IMDB

Critique

Tina a toujours mené une vie paisible, bien rangée, protégée par une mère possessive, très envahissante. Pour leurs premières vacances en amoureux, Chris décide de lui faire découvrir l'Angleterre à bord de sa caravane. Un vrai dépaysement pour Tina. Les dix premières minutes du film font penser à une chronique sociale britannique, un peu acide mais très raisonnable, à la Mike Leigh, dans les bonus DVD du film, les auteurs avouent d'ailleurs leur grande adoration pour ce cinéma de Leigh.

Cette habile comédie gore où un couple de campeurs se transforme en serial killers par veulerie. Les deux scénaristes-interprètes, Alice Lowe et Steve Oram, ont peaufiné leurs personnages de meurtriers en veste polaire et chaussures de randonnées pendant des années, au théâtre puis dans un pilote de série télé. Tina et Chris sont effrayants de bêtise, et leur virée en caravane au Lake District, paradis des randonneurs du nord de l'Angleterre, est irrésistible. Tous les individus qui ont le malheur de les importuner au camping, au restaurant ou au musée, finissent en purée.

La violence des punitions appliquées sans états d'âme tire ce road-movie vers un absurde réjouissant et plutôt original pour un film de tueurs en série. Le film aborde les rives de la chronique sociale un peu sombre avec des personnages qui n'ont pas beaucoup d'atouts; ils sont laids, pauvres, vils. Quand les aspects les plus sombres des personnalités de Tina et Chris se révèlent, on glisse doucement vers une comédie à l' humour féroce avec un esprit bien noir qui ne fera qu'aller crescendo. Sans avoir de l'empathie pour eux, on se retrouve assez fasciné par ce couple qui vacille dans la folie pure, ces deux êtres sans la moindre notion de conscience, de bien ou de mal, dont la cohabitation sera un catalyseur à leurs fantasmes les plus fous. On trouve un malin plaisir dans le naturel des personnages, continuant leur petit périple comme s’ils n’avaient rencontrés que de simples anicroches, gâchant une soirée restaurant ou un après-midi randonnée.

Leur balade misanthrope donne à chaque rencontre un caractère particulièrement croustillant puisque la moindre contrariété peut déclencher une explosion de violence gore, d’autant plus lorsque la tension grimpe entre ces deux amants se découvrant un peu plus chaque jour. On est ici dans une version plus sarcastique de Bonnie and Clyde ou Tueurs Nés, presque aussi sanglants, mais l'humour et la malice en plus.

Ben Wheatley prend un plaisir pervers à brocarder une bonne partie des indéboulonnables institutions britanniques. Le film alterne des visites dans des musées improbables, quoique bien réels, comme celui du Tramway ou du Crayon, et des lieux du Patrimoine Britannique, agrémentées, de temps en temps, de vigoureuses parties de jambes en l'air, idéales pour resouder le couple qui pourrait partir à vau l'eau. Ce film est totalement iconoclaste et tient jusqu'au bout son pari de l'audace et de l'irréverence, contrairement à ces comédies noires qui finissent souvent par une partie moralisatrice, totalement absente ici, avec des personnages qui n'auront jamais les remords qu'on pourrait être en droit d'attendre de ce genre de comportements.

Déclarations de Ben Wheatley :

À propos de la scène de Tina et sa mère, dans la maison:
Extrait sur Dailymotion
« Le scénario prévoyais cinq scènes dans la maison de Tina et sa mère. Toutes devaient être tournées du rez-de chaussée. Mais j'ai demandé à Jane Levick, ma décoratrice, de préparer également les chambres à l'étage au cas où. J'avais noté sur un carnet des idées de scènes entre Tina et Chris. Sur le tournage, on a tourné tellement vite les scènes prévues au scénario qu'il nous restait du temps pour mettre en boîte plein de scènes supplémentaires, dans les pièces décorées à l'étage de la maison. Dans la toute première version du montage, les scènes dans la maison duraient une quarantaine de minutes, on a coupé pour n'en garder qu'une petite dizaine de minutes dont la plupart proviennent des scènes improvisées. Je préfère filmer à tour de bras et faire mon choix dans la salle de montage. En un mois, nous avons accumulé environ cent vingt heures de rushs, à peu près autant que pour Apocalypse Now, c'est la magie du numérique, la caméra tourne sans arrêt, sans aucune répétition. »

À propos de la scène du premier meurtre sur le parking avec la caravane :
Extrait sur Dailymotion
« C'est une scène compliquée techniquement car elle est composée de nombreux plans. J'étais particulièrement stressé car je ne maîtrisais pas les allers et venues des voitures sur le parking où l'on tournait. Nous n'avions aucune autorisation ni aucun personnel pour empêcher les gens de rentrer dans le champ. C'était très inconfortable et beaucoup plus compliqué à gérer que les effets spéciaux concernant l'accident en lui-même. J'ai eu du mal avec les acteurs qui jouent la famille du type qui se fait écraser. Il s'agissait de figurants et non d'acteurs professionnels. Ils se sont révélés mauvais car très nerveux. Pour pallier cette faiblesse, j'ai adapté ma mise en scène. J'ai utilisé beaucoup de ralentis, j'ai distordu le son pour créer une atmosphère surréelle. Une autre technique que j'utilise souvent : la désynchronisation. C'est une technique très commune dans les documentaires. Nous leur avons aussi emprunté ces mouvements de caméras qui furètent dans le décor calmement à la recherche des informations. Alors que tout le monde pense que le style documentaire impose une caméra tremblée. »

À propos de la scène du meurtre du type au chien dans les landes
:Extrait sur Dailymotion
« Nous avons pris la décision de ne pas nous soucier de la météo. En Angleterre, il pleut tout le temps, c'est un fait, personne n'y peut rien. Vu l'épaisseur de notre budget, le tournage s'est passé presque intégralement sous la pluie ou par temps très nuageux. Mais nous avons aussi eu des jours avec une lumière magnifique. Comme ce jour où nous sommes arrivés au sommet de cette colline, à 5 heures du matin, avec mon directeur de la photo, et que nous avons assisté à un magnifique lever de soleil. Je n'avais jamais vu une telle lumière. Nous avions la caméra avec nous et avons pu capter ce moment si précieux. La veille et le lendemain, c'était une purée de pois. La séquence repose sur un montage parallèle. Une technique que j'utilise rarement. On se demande si Tina imagine ce meurtre ou si elle le cause par ses rêves. Chris ressemble à un homme des cavernes avec son caillou. Le ralenti, à nouveau, déréalise la scène. Mais la séquence n'a trouvé son rythme qu'avec la musique, quand on a mis la chanson de Donovan, Season of the witch. »