Marc-Henri Évariste Poitevin dit Goulebenéze

Marc-Henri Évariste Poitevin dit Goulebenéze est né le 2 juillet 1877 à Burie et mort le 30 janvier 1952 , fils de Marc Eugène Poitevin et de Néhomaye Berthe Hibelot (voir son arbre généalogique)

Son pseudonyme, normalement toujours écrit avec un accent aigu, mais figurant avec un accent grave sur sa pierre tombale, évoque le Saintongeais dont les propos ne sont jamais si pertinents que lorsqu'il a la « goule bien aise », ce qui dans le parler local signifie avoir la figure réjouie de l'épicurien.

La notoriété de cet auteur reste aujourd'hui encore particulièrement vivace en Charente et Charente-Maritime. Ses œuvres, souvent écrites en charentais-saintongeais , sont aujourd'hui considérées comme faisant partie du patrimoine local régional

Malgré cela, il finit sa vie dans le plus grand dénuement, et s'éteint le 30 janvier 1952 à Saintes, où il est inhumé. Sa ville natale lui a érigé un monument dans le parc Bassompierre.

Son œuvre

L'un de ses poèmes les plus célèbres est une ode à sa région d'origine intitulée « Bonjour Saintonge » écrit en 1942. Il est dédié aux prisonniers de guerre charentais.

Goulebenéze a également écrit:

- des monologues en vers : « Le Biton », « La Loterie nationale », «Histoire d'au cheun».
- des monologues en prose : « Hérodiade aux arènes de Saintes », « Le pick-up », « Le retardataire », « 'le chimie' », etc.
- 2 petites pièces de Théâtre : «Arnestine va-t-au bal» et «Benurâ tue son goret».
- les paroles de nombreuses chansons : « Le vin bian », « Avec les conseillers », «Valse dau Cougnat», qu'il interprétait généralement lui-même.

Quelques œuvres


Les 45 Chevaux d'Ughene Gueurnut

Gueurnut... thieu drôle d'Ughène Gueurnut...
le fi le François Gueurnut de chez Tabourin.
Avau pas qu'neussu Gueurnut ?
C'est qu'il a jhamais yère resté thieulong ;
il a teurjhou veuscouété tantout d'in couté,
tantout de l'aute ;
il a-t-appris le méthié de marichau et il a voué-yagé peurtout :
il a travaillé jhusqu'au d'ir Saint-Jhean-d'Anghélique.
De thieu moument, il est sous les drapeaux ;
il est au 14e curacier a Bourdeaux, y s'en vinrat-avec sa kiase, thiette année.
O fait que thieuques jhours avant le prômier de l'an
le facteur a-t-apporté ine lette chez eux :
Chère paran, Jhe seû de ce moment chôfeur de t'mobile chez le colonelle
et coume y s'en va-t-en parmission de vin jhours,
jh'éré vous souété la boune année venderdi,
avec ses 45 chevaux.
Jhe vous embrase d'émitié.
Ujhène GUEURNUT, kavayer au 14e curacier.
La lettre arrivit à dix heures, à midi, tous les jhens de Chez-Taboutin saviant
que le fi Gueurnut, allait arriver avec ine keuvalerie.
— Comprr'nez vous thieu ? qu'o disiant les Gueurnut,
in coulonel qu'a 45 chevau prr' li tout seul ! Et qu'allons-jh'y faire ?
Thieu drôle est fou, il arait amné son chevau,
o Tarait reun à dire, mais 45 ! Ham !
Et de la piace peur zou mette ? Et de l'avouène prr' leu baillé !
Et c'est qu'o dit Gueurnut,
o n'en faut pas rin qu'in picotin, non !
Deux jhours passirant : ol était dont l'avant-veille dau premier de l'an.
A force de fouiner peurtant chez les vouézins,
François Gueurnut avait fini prr' trouver ine thienzaine de licoux
en comptant thiellé des baudets.
— Jhe serons d'oblighés de les thittet yor, qu'o dit la Gueurnuche,
vour veux-tu que mettons thiellé poulain n'a l'abri ?
Mais Gueurnut avait fait sept ans.
— Yôr, qui décit, yôr, mais malhureuse,
tu sais dont pas que les chevau passant avant les chrétiens au réjhiment !
La Gueurnuche avait teurjhou entendu dire que soun home était pu fin qu'elle
et a zou créyait ; mais ail' avait soun idée : ?
C'est bon qu'a dit, o n'en éra teurjhou cinq à six dans la thieusine,
mettrons le restant sous le ballet
Le jhour dau premier de l'an, bon matin, maître François Gueurnut,
son bounet de laine tout dreit su sa tete coum' in mouchiron,
traverr'sit l'Héraut et s'en fut se poster su in teurrier. ?
Coume thieu qui dit, quant il arriverai avec ses bidets,
le vouerait v'nit de pus loin : m'est avis qu'o deit bromer su thié route !
O l'avait s'ment pas deux heures qu'il était la,
qu'o fazait in freit que les pieds et les oreilles z'y sabiant,
tout d'in cot y voucyit in torbillon dau yâbe qu'arrivait dreit a la pointe a Begassâ,
entr' les pop'yons : Tuuut ! Tuuut ? ? Fant d'garce, in t'omobile !
Croc ! o s'arretit dreit devant li.
Et qu'étou thieu ? In grand gâs avec ine pia de bique,
des lunettes de cantougnié su les zeuils et ine casquette piate comme in bouze,
se piantit devant François Gueurnut tout dreit. ?
Eh beun queneu-tu pu ton drôle ? ?
Ujhène ! mon drôle ! mon fi aimé !
Et te vouèla ma grande compagnée, habeuillé coume in moncieu.
Et tes ch'vaux ?
Ujhène Gueurnut duvrit tout en larjhe in mourça de fer bian
qu'abbr'yait ine avant-train apointuché coume in bet de kiairinette ;
il appoint son pouze dessus des petit tua coume des sarpentins de chauyère : ?
Peupa, qui dit, les ch'vaux sont la!
y marchant qu'avec de l'heule et de la peutrole,
il avant chaud et me jhe brame de faim, allons déjhuner !
Depeux thielle jhirnée, François Gueurnut est pu le minme houme.
Quant n'on z'y parle, il a jhamais l'air d'été a la quession.
Son fi a-t-éyu biâ y espyiquer, y teurche a comprenre, mais y peu pas !
Y peut pas comprenre coument 45 chevau
peuvant lojher dans le moulin-n-a café d'ine t'mobile
et y veu-rait beun savé quelle poulinicre ameune de thiellés poulains
qui fazant ni crotte ni fumié,
qui manjhant de l'heule en guise d'avouène et qui beuvant de la peutrole !
Le monde disant qui vint fou...
Il l'avant pas re-noumé conseillé municipau aux derr'nières élections...
li qui passait teurjhou en tete de lisse !... ?


Le Charentais qui manjhe six fouès prr' jhour

Il est peuplé de charentais le Paradis. Or, une révolte éclate dans ces régions célestes. Saint Pierre s’informe, et on vient lui dire : « Ce sont les charentais qui réclament, ils veulent manger six fois par jour, comme dans leur pays ».

Le grand Saint Piârre faisait ses comptes avant la fin de l’année.
I décit a son vâlet : « Baille m’en dont mon Grand Live, que jh’vouèye in p’tit là vour que jh’ n’en sons !
I teurnit les feuilles, i teurchit le mot « France », i l’argâdit les départements … I chéyait teurjhou sus les lettres C.H.
I disait : « C.H … C.H …, Charente, Charente, Charente-Inférieure ». I peurnit son porte-pieume, i mettit à la piace d’Inférieure Charente-Maritime. « Coum thieu, qui dit, i s’rant contents, dépeux l’temps qui zou v’lant. O l’eu f’rat-t-ine belle jhambe ! »
Et i tôrnit les feuilles : Charente, Charente !
- Et astheure, qui dit, fi d’la mère ! avons_jhi pu qu’des Chérentais ithi ? Etaut qui créyant qu’il allant prer’ le Monopole dau Paradis ? In moument Beurtrand, ma jh’ment vouèt-t-in yièvre ! Et promièr-ment, je troue qu’o s’fait jholiment d’brut ithi ; i l’avant peurtant point coutume de s’piainde, qu’étout qui s’passe dont ?
- Hé qu’o dit l’vâlet, o l’est zeux, les Chérentais, qui s’ piainant, pac’ qui manjhant qu’ine fouè prr’ jhour !
- Ah ! ah ! qu’o décit Saint Piârre, étaut qui créyant que jhe m’en vas les pousser à la nourriture, au prix vour qu’o l’est la vie ? I m’ coûteriant pu cher qui v’lant ! Envouèyez-m’en in délégué. Et au moins, qui dit, tu sonjheras de m’ chouèzit le pu intellijhent, pac’ dans thiellé z’affaires, o l’est teurjhou les pu fins qui poussant l’ pu sot au thiu.
Et l’délégué arrivit, sans courit, sans s’ presser … ine boune figure d’homme.
- Sarviteur … tout mon thieur … va-t-ou … pas mal, marci … tout châptit … O va coum’ o l’est m’né … le temps a l’air de voulouèr se mette au biâ !
- Pas tant d’esp’llications, qu’o décit Saint Piârre, tu fais les d’mandes et les réponses, tâch’ de seug’ ton ch’min dreit … d’Angolême à La Rochelle pas d’besoin d’passer prr Potiers ! Délégué, avance au ralliement ! Quétaut qu’o y a-t-à ton sarvice ?
- Ham, qu’o décit thiau gâs, et o l’est les z’autes qui s’ piainant d’pas manjher leû saoût !
- Les z’autes, qu’o décit Saint Piârre, t’as pas l’air trop courajhit ! Et touè qui dit, n’es fais-tu pas partie des z’autes ? Étaut qu’vous êtes pas beunaizes ithi ? O l’est pas assez d’ manjher in cot prr’ jhour prr’ dau monde qui fazant reun ? Jhe coumince à n’en ête r’sazié d’vous z’autes teurtous. Et combeun de fouè manjhant-y dont prr’ jhour dans ton pays ?
L’aut se grattit l’calâ.
- Six cots prr’ jhour qui dit.
- Six fouès prr’ jhour, qu’o l’huchit Saint Piârre, coument fais-tu ton compte ? Sacré grand gormand que tu es … manjhe pain peurdut … allons fais m’en thielle addition.
- Et beun vouèla, qu’o décit l’ gâs, dès au matin, à la chandelle, quant jh’ai feurmojhé mon béthiaire, jhe manjhe in p’tit d’moulue saurette avec de l’heûle de noix ou beun deux, trois cagouilles su la grille avec dau beurre … trempe ine boune roûtie, qui dit, dans ine moque de vin bian avec in mourçà d’suke, jhe bouèt in bon café, prends ine petite goutte de Cougnat prr’ me r’monter l’ thieur et jhe m’en vas embaucher.
- Tu deit pas cheir de feubiesse, qu’o décit Saint-Piârre … Et après ?
- Et b’n’ amprès, à neuf heures, manjhe ine petite bouchée avec in p’tit mourça d’ feurmajhe à croûte roujhe, bouet in bon cot d’vin bian prr’ me r’monter l’ thieur et jh’ m’en r’torne à mon tail.
- C’est bon qu’o dit Saint Piârre, tu as manjhé deux fouès avant d’ déjhuner. Et à midi, qu’étout qu’ tu manjhes ?
- Jhe manjhe la soupe, fais ine boune godaille avec dau vin roujhe …
- Prr’ te r’monter l’thieur, qu’o dit Saint-Piârre, allons tu peux continuer …
- Manjhe in p’tit d’jhigourit, in p’tit d’graton, si p’tit qu’n’on prend o soutint … amprès, m’en vas faire in bon sonjhe et à trouè z’heures manjhe in p’tit d’ feurmajhe bian avec ine gousse d’ail … Bouet in bon cot d’vin bian …
(Saint-Piârre comminçait à teurper, il était pu roujhe !)
- Et amprès qui dit.
- Amprès, m’en vâs embaucher et à cinq heures, m’en r’torne. Jhe manjhe deux, trois feuves avec la sau ou beun ine poume, ine pouère, et jh’ bouet in bon cot d’vin bian !
- Au diâb’ ton vin bian, qu’o décit Saint-Piârre, tu manjhes toutes les heures ?
- Et vouè qu’o dit l’aut, mais c’est que jh’ marche à l’heure ancienne !
- Arriv’rons-jhi au bout, qu’o dit Saint-Piârre, tu deit pas être abramit, et amprès ?
- Jhe manjhe à neuf heures, qu’o dit thiau gâs, manjhe ine boune soupe, fais ine godaille avec dau vin roujhe, à râs bord, pas pu haut qu’ les ranches ! ine assiètée d’ monjhettes, in p’tit restant d’ daube de boeu si o n’en at, in brin d’ salade et m’en vas m’ saquer dans mon lit ! Étaut pas temps ?
( Saint-Piârre était dans ine peutrasse ! « Ah ! nation dau Yâbe, qui s’ébrettit, ah ! sacré-t-artoupans d’arbijhois ! Ah , bande de Kroumirs.)
- Mais à manjher coum vous fasez, vous deûriez ête gras coum’ des moines ! Et vous êtes teurtous seit coum’ des coucous, qui dit, vous êtes fins gras coum’ des baleris ! Vous êtes dont pas d’ la boune aspèce, pusqu’o vous aprofite pas ! Et vous créyez, qui dit, que jh’ m’en vâs vous mette à l’engrais, mouè ? Des gâs qui peuvant pas manjher d’huîtres sans saucisses ?
Des manjheurs de daube de boeu et d’cagouilles au beurre, au prix vour qu’il est ! Faura-t-ou qui dit, que jhe vous doune, otout, dau pâté truffé de Ruffec, prr’ vous graisser les ballots ? I décit à son vâlet : « Combeun n’en reste-t-o chez nous, de thiellés négociants, là ? »
- Cinquante, qu’o dit l’vâlet.
- Et qu’étout qui fazant dans l’coumarce ?
- 48 cultivateurs … in parcepteur, et la mouètié d’in député.
- La mouètié d’in député, qu’o dit Saint-Piârre, et coument thieu ?
- Ah ! dame, qu’o dit l’vâlet, le gâs était en ballotajhe, i s’est trouvé copé en deux. I l’a-t-arrivé ithi en deux mourçâs !
- Eh beun, qu’o dit Saint-Piârre, acoute-me beun c’que jh’ m’en vâs te sunifier étrouètement : tu vas m’en fout 49 dans in tombereau, verbalement, et tu zou foutras tout-à-thiu au purgatoire. Tu leû douneras dau macaroni ine fouè tous les deux jhours et quant il arant souèt, qui dit, tu leû douneras dau poumat peuté. Puc’ qui parlant teurjhou de se r’monter l’thieur avec leur Cougnat-t-o les mettra d’apiomb !
- Et thiau-là qui reste qu’o décit l’vâlet, le cinquantième, qu’allons-jhi n’en faire ?
- Ah thieu-là lâ, qu’o dit Saint-Piârre, tu me l’mettras d’ coûté, i sarvirat d’ gréffon : o s’rait tout d’ min’me deumajhe que la race se parde !

Février 1938



Le monument de Saintes

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