Le charentais (saintongeais)

Le charentais est une langue romane qui fait partie de la famille des langues d’oïl, qui comprend également le français.

Le charentais est la langue vernaculaire parlée dans les anciennes provinces d'Aunis, Saintonge et Angoumois. On l’appelle aussi le saintongeais ou encore le patois charentais.

Associé au poitevin au sein du poitevin-charentais-saintongeais, le charentais-saintongeais a été énuméré dans la liste des langues de France de la DGLFLF distinctement du poitevin entre 2007 et 2010. Depuis, il figure comme variété linguistique sous le libellé suivant : « poitevin-charentais-saintongeais, dans ses deux variétés : poitevin et charentais-saintongeais ».

Aire linguistique et analyse lexicale

Prononciation et grammaire

Vocabulaire

Littérature

Goulebenèze

DUMOUSSEAUX Jean François (Nestor BIROULAT)

 

Aire linguistique du charentais-saintongeais

L’aire du charentais couvre la quasi-totalité du département de la Charente-Maritime (sauf l'extrême nord : île de Ré, nord de l'Aunis, région de Surgères et pointe de Saintonge montant vers Frontenay-Rohan-Rohan, régions de Loulay et d'Aulnay), l'ouest et le centre du département de la Charente (sauf le nord-ouest : Ruffécois, et bordure d'oïl du Confolentais : Le Bouchage et Pleuville en partie), le nord du département de la Gironde avec son Pays Gabay (comprenant la totalité des anciens cantons de Saint-Ciers-sur-Gironde, Blaye, Saint-Savin et Guîtres, la quasi-totalité de l’ancien canton de Coutras, la moitié nord de l’ancien canton de Lussac et l’extrémité nord des anciens cantons de Bourg, Saint-André-de-Cubzac, Fronsac et Libourne) et ses enclaves charentaises de la petite Gavacherie autour de Monségur dans l'Entre-deux-Mers(débordant sur le Lot-et-Garonne) et autrefois du Verdon, et enfin l'extrême Ouest de la Dordogne aux alentours de La Roche-Chalais.


Analyse lexicale

En 1926 le linguiste charentais Adolphe-Louis Terracher, né à Vindelle en Charente, université de Liverpool puis Strasbourg, auteur d'une thèse sur Les aires morphologiques dans les parlers populaires du Nord-Ouest de l'Angoumois, caractérise l'ensemble linguistique poitevin et charentais en ces termes : Il suffit de parcourir les cent premières cartes de l’Atlas linguistique de la France de MM. Gilliéron et Edmont pour s’apercevoir que les parlers du Centre-Ouest (Poitou, Aunis, Saintonge et Angoumois) gardent, aujourd’hui encore et à les prendre d’ensemble, une indéniable originalité. Comme toutes les originalités, elle s’affirme dans ce qu’ils ont en propre, dans ce qui ne se retrouve normalement ni au nord de la Loire (Touraine et Anjou), ni aux lisières occidentales du Massif Central (Limousin et Périgord), ni au sud de la Gironde et de la Dordogne (Gascogne), à savoir : des termes spéciaux (tels que brelière, anse de panier, ou borde, arête de poisson), des déplacements très particuliers d’accent (par exemple, dans les troisièmes personnes du pluriel des verbes : i devant, ils doivent ; il avant, ils ont), etc. Mais cette originalité est faite encore – et pour une part tout aussi importante sans doute – de l’accord qu’offrent alternativement ces parlers, soit avec ceux de l’ouest de la langue d’oïl (de la Manche à la Gironde règne le type j’allons, nous allons, tandis que le Limousin emploie n’ ou nous comme pronom sujet des premières personnes du pluriel, que le Midi n’exprime pas ; aller, avoine… s’y opposent à ana, civada… du sud et de l’est), - soit avec ceux de la langue d’oc (des Pyrénées à la Loire abeille contraste avec l’avette tourangeau et angevin et la mouche à miel du Berry et de l’Orléanais ; fisson, aiguillon de guêpe, vergne, aune, se disent aussi en Limousin et au Midi, mais ne dépassent guère la Loire au nord ; cf. encore les types français aile, tel, brebis… qui sont, dans les pays d’ « au-delà Loire », ale, tau, oueille…) ».

« Le langage du Poitou et de la Saintonge participe à la fois du français et
du gascon,de la langue d’oïl et de la langue d’oc ; il est fortement accentué
et renferme quelques mots celtiques et anglais. »
A . MALTE-BRUN

Prononciation

Les digrammes jh et gh (devant e et i) se prononcent en saintongeais avec une forte expiration, [ʔ] (coup de glotte ou occlusive glottale n'existant pas en français contemporain, mais existant notamment en arabe, la hamza ء et dans une partie de l'Auvergne ; ce son existe d'ailleurs en tahitien et dans certaines variétés de l'anglais). Par exemple : « monjhète » se prononce [mɔ̃ʔet], « parlanjhe » se prononce [parlɑ̃ʔ], « jh'avons manghé dau ghigourit », nous avons mangé du gigouri.

th note le son k mouillé, intermédiaire entre k et t [cjˀ] : exemple : thieu drôle.
L'h au début d'un mot est toujours muette: tu devris bâzi d'honte, grand-t-haïssab', tu devrais mourir de honte, grand vaurien.
Le groupe de sons « ien » est rendu par « eun » [œn] en saintongeais occidental et central; par exemple, « un cheun » pour « un chien », « un reun » pour « un rien ». En saintongeais oriental il est rendu par « ein » qui est l'ancienne forme saintongeaise (et poitevine) d'avant sa dénasalisation en « eun ». Ce que nous confirme Doussinet : « À la fin du siècle dernier, le chien était le chein à Cognac. » On retrouve encore « chein » en saintongeais moderne oriental (centre Charente) et en saintongeais moderne sud oriental (nord-est Gironde).
[wa] peut correspondre à [e] : par exemple « droit » se dit dret.
Le r est légèrement roulé [r].
Le i est légèrement ouvert. Ex: « utile » se prononce [ytɪl].
Chez bon nombre de locuteurs, le e ouvert [ɛ] n'existe pas. Il est remplacé par le e fermé [e] dans toutes les positions, mais seulement en syllabe ouverte. Ainsi « lait » se prononce [le], « paisible » devient [pezɪb]. Par contre le ê ou è (en syllabe fermée) est légèrement exagéré et diphtongué; ainsi « crème » se prononce [kraɛ̯m], « Marennes » se prononce [maraɛ̯n].

Grammaire

La tournure interrogative « est-ce que » + proposition assertive, majoritaire en français parlé, est pratiquement absente, au profit de l'inversion du sujet.
La conjugaison de nombreux verbes au présent se fait par l'adjonction du suffixe [ã] (ant) au radical à toutes les personnes.
La conjugaison de nombreux verbes au passé se fait en employant l'auxiliaire « avant » suivi du participe passé du verbe à toutes les personnes.

La référence grammaticale reste La Grammaire saintongeaise de Raymond Doussinet (CF 1971 - Éditions Rupella)

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