La région historique de Cappadoce (en turc : Kapadokya ) se trouve au centre de l'Anatolie, en Turquie. Au cœur de la Cappadoce le Parc national de Göreme et sites rupestres de Cappadoce est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO en Turquie en 1985. Les volcans Erciyes (l'ancien mont Argée ou Argyros : « argenté » en grec), Hasan et Göllü entrent en éruption au Miocène supérieur (dix millions d'années) jusqu'au Pliocène (deux millions d'années). Ces éruptions ainsi que l'apparition de volcans de moindre importance au fil des millénaires générent une superposition de strates d'ignimbrites plus ou moins denses. Au début du Quaternaire, des laves basaltiques beaucoup plus dures se déposèrent. Quelques éruptions ont encore lieu ultérieurement, notamment en 253 av. J.-C. Les dépôts du mont Erciyes ont couvert à eux seuls une superficie de 10 000 km2, sur une épaisseur variant entre 100 et 500 mètres. Sous l'effet des glaciations de l'ère néozoïque, la croûte de basalte s'est lézardée, le sol s'est désagrégé, permettant à l'eau de s'infiltrer et d'accentuer encore l'érosion. Quand le tuf est très tendre, il se désagrège totalement pour former une plaine poussiéreuse, tandis que sur les reliefs pentus, l'érosion crée canyons, mesas, cônes, pitons et cheminées de fée. Le paysage de Cappadoce présente donc une morphologie se caractérisant pour l'essentiel par des plateaux formés par les cendres et les boues rejetées par les volcans avoisinants, des gorges, des cheminées de fées, ainsi que de grandes plaines constituées de résidus volcaniques. De nos jours, l'érosion continue : les pitons et les cônes actuels sont donc voués à disparaître, mais d'autres se dégagent peu à peu en bordure des plateaux. |
Les communautés monastiques byzantines ont creusé dans les roches tendres, entre le VIIIe et le XIIIe siècles, une multitude de couvents et d'églises rupestres décorées de fresques. Pour les historiens de l'art, la Cappadoce constitue un laboratoire où ils analysent l'évolution picturale de l'Église d'Orient, avec 150 sites encore préservés. Plus de 3 000 chapelles ont été découvertes. Les sites les plus remarquables sont la vallée de Göreme qui recèle d'intéressantes églises rupestres aux fresques nombreuses et qui a aujourd'hui le statut de musée, les canyons d'Ihlara et de Soganli, ainsi que les cités souterraines de Derinkuyu et de Kaymakli, qui descendent de huit étages sous la roche.
Creusées dans un tuf volcanique très tendre, ces cités abritent des pièces de stockage, des logements, et même des églises. Quant aux entrées, elles étaient fermées par d'énormes meules. Ces deux villes, distantes de 9 km, étaient probablement reliées par un tunnel.
Les habitations troglodytiques comportaient toujours des ouvertures vers l'extérieur de petite dimension. Les grandes ouvertures parfois présentes actuellement résultent d'écroulements dus à l'érosion. C'est notamment pour cette raison que beaucoup de ces habitations sont maintenant abandonnées. Mais certaines sont encore occupées (logements, hôtels, et même poste de police). Elles font parfois l'objet de restaurations luxueuses et sont alors protégées contre l'érosion par un enduit discret, à l'instar des églises de Göreme.
La Cappadoce est envahie par les Hittites au IIe millénaire av. J.-C., et intégrée à leur Empire, qui y établit sa capitale Hattusha (actuelle Bogazkale). La région est alors une zone traditionnelle de commerce avec les Assyriens, à cause de ses mines (or, argent, cuivre), comme l'attestent notamment les très nombreuses tablettes en cunéiforme découvertes sur le site de la ville hittite de Kanesh (actuellement Kültepe) ; la région, alors habitée par les Louvites, apparaît sur certaines tablettes sous la dénomination de Kitsuvatna. Vers 1200 av. J.-C., l'Empire hittite s'écroule, envahi par les Peuples de la mer et les Phrygiens. Vers -1100, la Cappadoce est conquise par le roi assyrien Téglath-Phalasar Ier. Au IXe siècle av. J.-C., elle est reprise par les Phrygiens, puis est dominée par la Lydie à partir de -696. Viennent ensuite les Mèdes (au nord-est) et les Cimmériens (au sud-ouest), qui font quelques incursions dans le reste du pays dans les années -650-630. En -546, la Cappadoce est conquise par Cyrus le Grand et intègre l'Empire perse. À la fin du VIe siècle av. J.-C., Darius l'inclut dans la troisième satrapie.
Les Perses appellent le pays Katpatuka (« pays des chevaux de race »), dont dérive directement le toponyme « Cappadoce » ; les Grecs, quant à eux, donnent aux Cappadociens le nom de « Syriens blancs » . Bien que vassale de l'Empire perse, la Cappadoce continue à être gouvernée par ses propres dirigeants, organisés en une aristocratie de type féodal. En -330, elle devient indépendante sous le roi Ariarathe Ier, qui reconnaît symboliquement la suzeraineté d'Alexandre le Grand et fonde une dynastie.
Sous Ariarathe IV ont lieu les premiers contacts avec Rome. La Cappadoce devient alors l'alliée des Romains contre les Séleucides, mais elle est vaincue. Suit une période confuse, au terme de laquelle la dynastie d'Ariarathe disparaît dans les guerres contre le royaume du Pont. En -92, Rome vient au secours du royaume de Cappadoce pour repousser le roi du Pont Mithridate VI, qui s'en était emparé, et rétablir le pouvoir d'Ariobarzane Ier, appelé par les Grecs Philoromaios (« ami des Romains »). La Cappadoce, avec opportunisme, soutient successivement Pompée, Jules César, Marc Antoine et enfin Octave. En 17, par suite de la disgrâce du roi Archélaos, la Cappadoce est intégrée par Tibère à l'Empire romain, dont elle devient une province impériale, à laquelle sont bientôt incorporées les régions du Pont et de l'Arménie Mineure.
Sous la domination romaine, la région s’hellénise et se christianise : Dans la seconde moitié du IVe siècle, sous l'impulsion de Basile, évêque de Césarée (Kayseri), de nombreuses petites communautés monastiques s'implantent dans la région. Basile s'oppose à l'arianisme qui est alors en plein essor et qui a les faveurs de l'empereur Valens. Pour affaiblir l'autorité de Basile, Valens divise la Cappadoce en 371, détachant d'elle un vaste territoire dont il fait la Cappadoce Seconde et dont il confie l'autorité religieuse à un évêque arien (évêché de Tyane, à proximité de l'actuelle Nigde). En 536, Justinien crée l'évêché de Mokissos (actuellement Kirsehir) ; basiliques et oratoires se multiplient.
Au VIIe siècle l’est de la Cappadoce est envahi plusieurs fois par le califat arabe des Abbassides ; en 647, Moawiya, gouverneur de Syrie, s'empare de Césarée. Le pays est intégré au thème des Anatoliques, avant d’être érigé en thème de Cappadoce au Xe siècle. Les raids arabes harcèlent la Cappadoce jusqu'au IXe siècle, ce qui explique la multiplication des souterrains dans la région, refuges qui, pour certains, existent depuis de nombreux siècles. Les tufs volcaniques faciles à creuser et l'existence de sources permettent le creusement de véritables villes souterraines, avec greniers, étables, citernes, bassins, réfectoires, églises, habitations.
Après une période d'insécurité, les victoires de l'empereur Nicéphore II Phocas contre les arabes au cours de la seconde moitié du Xe siècle rétablissent en Cappadoce la paix et la prospérité. Des villes et des villages y refleurissent tant en extérieur qu'en souterrain, avec des populations toujours grecques de culture, mais d'origines variées, ainsi que des Arméniens, alliés aux Byzantins pour la défense des frontières orientales. C'est à partir de cette époque, appelée renaissance macédonienne, que la Cappadoce voit se creuser et se peindre de ses plus belles églises rupestres. À la suite de la bataille de Manzikert, en 1071, la Cappadoce est conquise par les Turcs seldjoukides, menés par Alp Arslan, qui vainc l'empereur byzantin Romain IV Diogène Initiateurs d'une importante expansion urbanistique dans la région, ceux-ci construisent de nombreuses mosquées (Kayseri, Aksaray, Nigde...), créent une académie de médecine en 1206, et édifient des caravansérails tous les trente kilomètres le long de la route de la soie. Mais la population locale perdure et c'est à cette époque que les églises de Korama (aujourd'hui Göreme) se parent de leurs plus belles fresques. Les Seldjoukides se heurtent cependant aux Byzantins et aux Croisés qui, en 1097, s'emparent de Nicée, obligeant le sultan seldjouk d'Anatolie à transférer sa capitale à Konya (Iconium).
Beaucoup de Cappadociens passent à l'islam et à la langue turque pour ne plus payer le haraç : impôt sur les non-musulmans, et pour ne plus subir le devchirmé : enlèvement des garçons pour le corps des janissaires. Au XVIIIe siècle, les derniers ermitages troglodytiques sont abandonnés. À la même époque, le grand vizir, Damat Ibrahim Pasha, fait de sa ville natale, Nevsehir, la capitale régionale qu'elle est encore aujourd'hui. Sur le plan religieux, la Cappadoce abrite de nombreuses communautés derviches et alévies.
Conformément au traité de Lausanne de 1923, les cappadociens encore chrétiens sont expulsés du pays vers la Grèce, où vivent aujourd'hui les tout derniers locuteurs de la langue cappadocienne. Au cours des années 1920 et 1930, l'Europe redécouvre la Cappadoce, en particulier à partir de l'œuvre du jésuite français Guillaume de Jerphanion, qui publie ses études sur les églises de la région. Cet ouvrage est un élément important dans la constante croissance du tourisme qui démarre dès les années 1950. En 2005, selon les chiffres officiels, 850 000 étrangers et un million de Turcs ont visité cette partie du pays, entraînant l'expansion des artisanats locaux du tapis et de la céramique.