Comme un torrent

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Comme un torrent (Some Came Running) film américain réalisé par Vincente Minnelli et sorti en 1958.

Analyse critique

Au cours de l'été 1948, Dave Hirsch quitte l’armée tout auréolé d’un glorieux passé guerrier. Romancier en devenir, mais noceur invétéré, il déboule un beau matin en autocar à Parkman, sa ville natale de l’Indiana. Il est suivi par Ginnie Moorehead, une fille en fanfreluches dont il se souvient à peine, relique de sa soirée bien imbibée de la veille. Dave retrouve sa famille et notamment son frère. Celui ci, Frank, est à l'opposé de lui, très conventionnel, bien rangé et prospère. Tandis que Dave se lie d’amitié avec un homme de son milieu, Bama Dillert, joueur professionnel désabusé, son frère lui présente Gwen French, une institutrice aussi séduisante que stricte. Celle-ci éveille en Dave les velléités d’un établissement respectable à l’image de son frère. Mais il ignore encore que Ginnie l’aime éperdument et lui est totalement dévouée corps et âme. Il va également découvrir qu’elle a été pistée par Raymond, son soupirant fou de jalousie et de rage.

Joyeux noceur, mais intellectuel, on comprend que Dave soit attiré par une femme cultivée qui reconnaît son talent d’écrivain et lui fait entrevoir un possible et stable futur. En même temps, son non-conformisme, source de sa puissante créativité, lui colle aux basques avec son entourage de copains festoyeurs et de filles légères. Les marginaux vont finalement l'emporter avec, en tête, Ginnie, sorte de Gelsomina (La Strada de Fellini) transie d’amour, tripotant sans cesse sa peluche-sac à main et Bama, misogyne, cynique, rigolard, mais ami attentionné. Ces deux-là sont bien plus attirants que les perspectives d'un avenir rangé des voitures, quand bien même aurait-il le charmant visage et la prestance de Gwen.

Comme un Torrent repose tout entier sur le principe de l'antithèse. Entre la nonchalance fortement alcoolisée de Dave et l'arrivisme de son frère, la chambre d'hôtel bordélique de l'un et la demeure imposante de l'autre, le monde diurne des cocktails bourgeois et autres bals mondains et celui, nocturne, de l'alcool, du jeu et des bagarres.

Dave lui-même est tiraillé entre une intégration possible dans ce microcosme huppé, qui lui permettrait d'obtenir les dernières faveurs de sa Gwen, et un rejet sauvage et spontané des conventions superficielles qui vont de paire. En proie à un dilemne intérieur, le héros n'en est pas moins un catalyseur qui entraîne son entourage dans une vague de remise en cause du refoulement généralisé des sentiments et de la bienséance, « comme un torrent » qui détruirait un barrage déjà fissuré depuis un certain temps. Aux deux mondes du film correspondent deux rôles féminins magnifiques, dont la dichotomie passionne et recadre le scénario en fin de film, alors que celui-ci accordait un peu trop d'importance à quelques sous-intrigues.

Face à une Gwen comme étouffée par la froideur qui la conditionne, héritée de son éducation, Ginny est un pan saisissant du film à elle toute seule. Sa dualité à elle est certainement la plus abstraite et la plus bouleversante du film. Maquillage exagéré, accent populaire et vocabulaire cru sont autant de marques stylistiques qui sur-déterminent le personnage. Mais, particulièrement lors de ce sublime face-à-face avec Gwen, une magie plane au-dessus de Ginny. Parvenant presque à nous faire entendre un immense cœur qui bat sous les couches de maquillage, Shirley MacLaine est indubitablement l'étoile du film.

Le final se déroule lors d’une séquence de carnaval provincial et fait entrer de plein pied Comme un torrent dans le pur mélodrame après qu’il ait été deux heures durant plutôt sobre même si sans concession dans la description de ce microcosme qu’il a fait vivre sous nos yeux avant d’en arriver à cette apothéose de lumière et de mouvement. Cette peinture d’une très grande richesse est sans manichéisme puisque les scénaristes n’ont pas fait bien plus de cadeaux à leurs trois ‘héros’ qu’à ceux qui les entourent. Bama est croqué comme un joueur certes sympathique mais en même temps foncièrement égoïste, cynique et machiste. Dave, malgré sa sensibilité à fleur de peau, se venge des aléas néfastes de sa vie passée en ayant des réactions un peu minables et, par manque de confiance en lui, se montre parfois très désagréable et grossier même envers les gens qui lui prodiguent amitié, aide, tendresse et amour. Son manque d’estime de soi lui fait avoir des paroles et gestes déplacés mais qu’il regrette assez vite. Par cette écriture remarquable, les nombreux personnages principaux et secondaires acquièrent une profondeur étonnante et Minnelli démontre à plein son talent de peintre de caractère, parfois cru et cruel mais jamais méchant, trouvant toujours des circonstances atténuantes ou des traits de caractères positifs aux pires de ses protagonistes.

Le découpage du film est exemplaire et on est ébloui par une profusion de couleurs chatoyantes dues à William H. Daniels et Charles K. Hagedon.

Distribution

  • Frank Sinatra VF: Bernard Noël) : Dave Hirsh
  • Dean Martin (V.F : Andre Valmy) : Bama Dillert
  • Shirley MacLaine (V.F : Nicole Riche) : Ginnie Moorehead
  • Martha Hyer : Gwen French
  • Arthur Kennedy : Frank Hirsh
  • Nancy Gates : Edith Barclay, la secrétaire de Frank
  • Leora Dana]] : Agnes Hirsh
  • Betty Lou Keim : Dawn Hirsh
  • Larry Gates : le professeur Robert Haven French
  • Steven Peck : Raymond Lanchak, le soupirant de Ginnie
  • Connie Gilchrist : Jane Barclay, la mère d’Edith
  • Ned Wever : Smitty, le patron du Smitty's Bar

Fiche technique

  • Titre : Comme un torrent
  • Titre d'origine : Some Came Running
  • Réalisation : Vincente Minnelli
  • Scénario : John Patrick et Arthur Sheekman d’après le roman Some Came Running de James Jones publié en 1957
  • Musique : Elmer Bernstein
  • Direction de la photographie : William H. Daniels
  • Montage : Adrienne Fazan
  • Producteur : Sol C. Siegel
  • Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
  • Durée : 137 minutes (2 h 17)
  • Date de sortie : 18 décembre 1958

Distinctions

  • Nominations aux Oscars 1959 : Arthur Kennedy : Oscar du meilleur acteur dans un second rôle; Shirley MacLaine : Oscar de la meilleure actrice; Martha Hyer : Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle
  • Ce film fait partie des 100 meilleurs filmsdes Cahiers du Cinéma (liste publiée en 2007)


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