La Splendeur des Amberson

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La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons) film américain de Orson Welles, sorti en 1942

Analyse critique

Eugene Morgan aime Isabel Amberson, issue d’une vieille famille de la haute bourgeoisie. Mais elle lui préfère le fade Wilbur Minafer. Des années après, ayant réussi dans l’industrie automobile naissante, Eugene retrouve Isabel, veuve depuis peu, qui semble plus réceptive à ses attentions. Mais son fils George ne l’entend pas ainsi.

En 1941 Welles s'attaque à l’adaptation d’un roman célèbre de Booth Tarkington, publié en 1918 et récompensé par le Prix Pulitzer. Déjà filmée, cette histoire le touche particulièrement, lui qui y trouve des échos de son enfance et de sa propre famille, il l’a d’ailleurs auparavant adaptée pour la radio dans une version d’une heure diffusée le 29 octobre 1939.

Le tournage est supposé être rapide, il durera en réalité trois mois. En même temps, Welles devait finir d’honorer son contrat de trois films avec la RKO et produisait Journey Into Fear, en plus d’y jouer un rôle le soir. Or survient le bombardement de Pearl Harbor. Nelson Rockefeller, actionnaire majoritaire de la RKO, propose alors de tourner un film de propagande au Brésil, afin de s’attirer la sympathie de Vargas, dont certains conseillers s’avouent séduits par les forces de l’Axe. Welles est donc contraint d’interrompre le tournage de son film et de s’envoler pour le Brésil, les prises de vues devant avoir lieu à la période du carnaval.

En pleine urgence, Robert Wise prépara donc un premier montage brut durant trois jours en Floride, permettant ainsi à Welles d’enregistrer la voix off juste avant de partir pour Rio. Welles dirige le montage en téléphonant à Wise et Jack Moss. Une avant-première eu lieu en mars 1942 à Pomona , Welles avait déjà retiré 20 minutes par rapport à sa version d’origine. Cette avant-première eu des résultats catastrophiques. La RKO charge alors Moss du montage final. Dictant les nouvelles coupes à Robert Wise, il ne tient aucun compte des notes laissées par Welles et refuse même de prendre celui-ci au téléphone.

Il est impossible d’envisager cette œuvre sans connaître l'histoire de son tournage, et surtout de sa post-production. Le film actuel correspond à peu près aux deux premiers tiers de la version originale. Mais un happy ending absurde fut retourné et surtout le dernier acte, jugé trop déprimant, fut totalement supprimé. Il semble que ces séquences soient perdues à jamais. Et malgré toutes ces modifications, La Splendeur des Amberson fut un échec financier sans appel. Il semble surtout que le public américain n’avait pas envie de voir un film aussi déprimant dans cette période de guerre.

Ce qui frappe dans La Splendeur des Amberson est qu’il est apparemment l’antithèse de Citizen Kane ; autant le premier symbolise la déconstruction totale du récit, formant un portrait cubiste de son personnage principal, autant le deuxième se présente comme une fresque linéaire et chronologique. Là où Citizen Kane s’affichait comme un feu d’artifice de nouvelles techniques narratives, le deuxième opus de Welles fait souvent référence au cinéma muet, notamment à travers la célèbre fermeture de plan de la séquence du traîneau, et emprunte à la littérature, la voix off omniprésente, et même au théâtre, le chœur antique formé par les voisins commentant les allées et venues autour de la demeure familiale. Mais La Splendeur des Amberson regorge aussi de tours de force cinématographiques comme le travelling arrière succédant à la séquence de la chaudière qui traverse quatre pièces.

Orson Welles donne à voir un monde qui disparaît. Hormis le monumental escalier, rien dans l’intérieur des Amberson, dans ce décor qui se videra au fur et à mesure du film, n’évoque la beauté. La sombre mélancolie qui gagne le film est la conséquence du simple passage du temps, montré par les longs fondus enchaînés qui donnent aux transitions des allures de réminiscences proustiennes. Comme le dit le narrateur, les Amberson vivent à une autre époque, à un autre rythme, sans possibilité de s’adapter à la vitesse du nouveau siècle, ainsi qu’à un nouveau modèle économique qu’ils ne comprennent pas. Et c’est cette douloureuse contemplation qui donne toute sa beauté à ce grand film estropié.

Distribution

  • Joseph Cotten : Eugene Morgan
  • Dolores Costello  : Isabel Amberson Minafer
  • Anne Baxter : Lucy Morgan
  • Tim Holt  : George Minafer

Fiche technique

  • Titre original : The Magnificent Ambersons
  • Réalisation : Orson Welles
  • Scénario : Orson Welles, d'après le roman de Booth Tarkington, paru en 1918, prix Pulitzer en 1919
  • Photographie : Stanley Cortez
  • Montage : Robert Wise, Mark Robson et Jack Moss
  • Musique : Bernard Herrmann et Roy Webb
  • Scènes additionnelles : Jack MacKenzie, Harry J. Wild (non crédités)
  • Société de production : RKO Pictures et Mercury Productions
  • Durée : 88 minutes / 148 minutes (première version)
  • Dates de sortie : 10 juillet 1942
    • France : 15 novembre 1946
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