La Corde

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La Corde (Rope) film américain d'Alfred Hitchcock, sorti en 1948.

Analyse critique

Au dernier étage d'un building new-yorkais, deux jeunes gens de la meilleure société, Brandon Shaw et Phillip Morgan, étrangle avec un bout de corde David Kentley, l'un de leurs camarades d'études. Ils ont accompli ce meurtre pour mettre en pratique la dangereuse théorie de leur professeur Rupert Cadell, qui reconnaît aux êtres supérieurs le droit de supprimer un être inférieur de qui la société n'a rien à attendre.

Les deux jeunes criminels ont imaginé de donner ce soir-là une fête à laquelle sont invités les parents et certains amis de David Kentley, ainsi que Rupert Cadell. Mrs. Wilson, la femme de chambre n'approuve pas de déplacer le buffet de la table où elle l'avait préparé sur le coffre. Mais cette mise en scène macabre excite Brandon, alors que Phillip cache difficilement sa nervosité.

Les invités arrivent. D'abord Kenneth Lawrence, un condisciple de Brandon et Philipp qui fut autrefois le fiancé de Janet Walker avant qu'elle de lui préfère David. Il est donc étonné d'être invité en même temps que David et Janet. Celle-ci arrive ensuite et se montre toute aussi surprise de la présence de Kenneth. Henry Kentley arrive ensuite accompagné non de sa femme mais Mrs. Atwater, la soeur de celle-ci, beaucoup plus exubérante. Rupert Cadell arrive ensuite alors que chacun s'étonne du retard puis de l'absence de David. La conversation s'anime et Brandon parvient à faire énoncer par Rupert, une nouvelle fois, sa théorie sur le meurtre. Rupert sent quelque chose de trouble dans l'atmosphère qui règne dans la pièce et il comprend peu à peu que Brandon et Phillip ne sont pas étrangers à l'absence de David. Ayant découvert la vérité, Rupert ne veut pas laisser le crime impuni et il attire l'attention de la police en tirant trois coups de revolver par la fenêtre ouverte.

Inspiré d'une pièce de théâtre, le film a pour particularité d'être filmé en huis-clos dans un décor d'appartement bourgeois, en donnant l'impression d'un unique plan-séquence,ce qui accentue la proximité déjà marquée avec le type théâtral, le film étant tourné à la manière d'une pièce du genre. Hitchcock a utilisé la technique du Ten Minutes Take (dix minutes étant la durée d'une bobine), les raccords entre les dix séquences étant relativement discrets et se faisant grâce à des artifices comme le passage de la caméra dans le dos d'un comédien (cinq fois) ou par des coupes franches tout à fait classiques (quatre fois). Ainsi, alors qu'en moyenne un film comporte entre quatre cents et six cents plans, La Corde n'en comporte que onze (respectivement de 1'02, 9'12, 7'31, 7'01, 6'51, 9'32, 7'19, 7'2, 9'44, 4'26, 5'34). Comme le souhaitait Hitchcock, l'expérience prouve que le « découpage technique » reste secondaire pour le spectateur qui ne perçoit généralement pas cette particularité quand il voit le film pour la première fois, et a donc l'impression d'assister à une unique prise en continu.

Ce film d'un jet ne refuse pourtant pas le montage et est extrêmement découpé dans sa mobilité. La caméra cadre en plan d'ensemble ou en gros plan et recadre de nombreux objets, corde, verre à pied, pistolet, chapeau, revolver, porte-cigarettes. Presque toujours en mouvement, la caméra s'arrêtera pourtant pour un plan fixe de 1'45 au début du plan huit pour le moment de suspens le plus intense du film. Tous les déplacements sont millimétrés, ainsi de La Corde lâchée dans le tiroir dans le temps du battement de la porte. Hitchcock répétait une journée et tournait le lendemain. Les acteurs se plaignaient que "seule la caméra avait droit aux répétitions"

Le panorama de New York était une maquette trois fois plus grande que le décor lui-même, avec des nuages en laine de verre et six mille petites lumières allumées à la tombée du jour. Les immeubles, les nuages et le coucher de soleil furent réalisés d'après photographies et les bruits extérieurs qui montent jusqu'aux fenêtres de l'appartement furent préenregistrés dans la rue.

La caméra devant être constamment en mouvement, la matière de chaque bobine fut répétée en détail par la caméra et les acteurs comme un ballet pouvant être déréglé par la moindre erreur. La pression tourna au cauchemar pour la star, James Stewart à qui Hitchcock avait infligé le handicap supplémentaire d'une chaussure sans talon pour obtenir une légère boiterie du personnage.

La Corde occupe une place centrale au sein de l'édifice hitchcockien. Premier film où Hitchcock apparaît comme coproducteur, et également son premier film en couleur, La Corde est l'un des plus sérieux et expérimental qu'il est jamais tourné. C'est aussi un film qui fait la part belle, au refoulé, à l'humour, au suspens contre la surprise, et, enfin, un film qui consolide la morale universaliste de son auteur.

La pièce, Rope's end, de Patrick Hamilton a été adaptée par Hume Cronyn et scénarisée par Arthur Laurents. La pièce est anglaise mais s'inspire de l'affaire Loeb-Leopold, deux jeunes gens de Chicago qui en 1924 ont assassiné, pour jouer, l'un de leur camarade.

Le film évite d'appuyer sur l'homosexualité des personnages principaux. Le mot ne fut jamais prononcé ni par Hitchcock ni par la Warner. Ils "en" étaient le film "en" parlait se contentaient-ils de dire. Sidney Bernstein fera effacer toutes les expressions anglaises, les "mon cher" (my dear boy) qui connotaient trop l'homosexualité dans la pièce.

Restent des rapports troubles de domination, Phillip doit partir travailler chez la mère de Brandon travailler avant de débuter au Town hall, ou des expressions du type. " Brandon était aux pieds de Rupert ". Hitchcock a davantage joué sur la motivation trouble de Brandon qui a vraisemblablement choisit de tuer David car il était le dernier fiancé de Janet.

Le film regorge de bons mots, de mots à double sens "L'enfance est le temps des bizarreries" répondra Brandon quand Mme Atwater affirmera avoir lu durant son enfance. Celle-ci avait déclaré à Philip "Ces mains vous rendront célèbre", espérant lui faire un compliment sur ses talents de pianiste alors que ce seront bien ses mains de criminel qui le rendront célèbre. Kenneth avait aussi lâché "Epates les à mort". On notera aussi les bons mots de Janet : "Un livre de philosophie ? C'est des petits caractères, des grands mots et des petits tirages" ;" L'art primitif ? Ma sœur a trois ans, et ce qu'elle fait est très primitif".

Dans ce film, Hitchcock élimine comme monstrueuse toute tentative de morale individuelle, élitiste, qui donnerait à un seul être ou à une seule catégorie d'être une part à part dans la société. Le film souligne aussi la responsabilité de l'intellectuel dont les paroles, les écrits, les théories, les paradoxes doivent être considérés par lui-même et par les autres avec autant de sérieux que s'ils étaient des actes. Cette responsabilité de l'auteur populaire, Hitchcock la revendique d'autant plus qu'il a toujours été fasciné par les pulsions secrètes et notamment criminelles qui se cachent dans l'être humain.

Distribution

  • James Stewart  : Rupert Cadell
  • John Dall  : Brandon Shaw
  • Farley Granger : Philip Morgan
  • Cedric Hardwicke : Mr Kentley
  • Constance Collier : Mrs Atwater
  • Douglas Dick : Kenneth Lawrence
  • Edith Evanson : Mrs Wilson
  • Dick Hogan : David Kentley
  • Joan Chandler : Janet Walker

Fiche technique

  • Titre original : Rope
  • Titre français : La Corde
  • Réalisation : Alfred Hitchcock
  • Scénario : Arthur Laurents, Hume Cronyn et Ben Hecht d'après une pièce de Patrick Hamilton ;
  • Musique : David Buttolph
  • Photographie : Joseph Valentine et William V. Skall
  • Montage : William H. Ziegler
  • Société de production : Transatlantic Pictures
  • Durée : 77 minutes
  • Dates de sortie : États-Unis 28 aout 1948
    • France : 22 février 1950


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