Le Caire confidentiel

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Le Caire confidentiel , film suédois, danois, allemand de Tarik Saleh, sorti en 2017

Analyse critique

Le Caire, janvier 2011, quelques jours avant le début de la Révolution. Une jeune chanteuse est assassinée dans une chambre d’un des grands hôtels de la ville, le Nile Hilton. Nourredine, inspecteur revêche chargé de l’enquête, réalise au fil de ses investigations que les coupables pourraient bien être liés à la garde rapprochée du Président Moubarak. Il va traverser toutes les strates de la société égyptienne, côtoyer des individus de classes sociales différentes.

Le scénario du film s'inspire de l'assassinat d'une célèbre chanteuse libanaise dans un palace de Dubai en juillet 2008. Un magnat de l'immobilier et membre du Parlement égyptien, proche de la famille de Hosni Moubarak, qui dirigeait alors le pays, avait été reconnu coupable d'avoir versé 2 millions de dollars à un haut gradé de la police cairote pour tuer son ancienne maîtresse. Le réalisateur, Suédois d'origine égyptienne, a transposé le fait divers en janvier 2011, alors que Le Caire est en pleine ébullition révolutionnaire. Le récit y gagne un surcroît de tension dramatique quand son héros, l'inspecteur Noureddine, voit son enquête parasitée puis menacée par les manifestations sur la place Tahrir, et leur répression de plus en plus violente. Ces rassemblements pour la démocratie visaient aussi à dénoncer les exactions et les magouilles des forces de l'ordre. Le tournage envisagé en Égypte a été refusé par les autorités trois jours avant le début et a finalement eu lieu à Casablanca, au Maroc.

Un crime, une enquête, tel est le point de départ de cette fiction qui immerge progressivement les règles d’un suspense apparemment convenu dans un contexte géographique et historique dépaysant pour le spectateur français. Mais, au fur et à mesure de la progression du film, le contexte même du récit se met à devenir incertain. L'action se situe à l’aube du mouvement de protestation qui débouchera sur les manifestations de la place Tahrir, prémices du renversement du régime de Moubarak.

Comme dans toute bonne Série noire, le flic est un déclencheur qui met à nu les dessous d’une société pourrie jusqu’à la moelle. L’intrigue devient un prétexte à une investigation politique et sociale. La quête du policier l’amène à découvrir le cœur faisandé de l’Etat égyptien. Il découvre progressivement la responsabilité d’hommes des services secrets dans l’assassinat qu’il tente d’élucider et à la fin du film la duplicité de son chef.

Le moindre flic de quartier touche son bakchich. Et quand un enquêteur veut arrêter un suspect en dehors de sa juridiction, il doit verser sa dîme au collègue qui règne sur le district concerné. Au début du film, Nourredine est un policier comme les autres, pas plus, mais pas moins corrompu que ses pairs. Il est même promis à un brillant avenir s'il continue de servir le système en fermant les yeux, et en se servant au passage. Mais Nourredine a une vraie intégrité morale derrière son cynisme. Un coup de foudre amoureux, mais aussi le sort atroce réservé à une immigrée soudanaise vont réveiller sa soif de justice. Son supérieur et oncle, faussement paternaliste a beau le promouvoir commissaire pour calmer ses ardeurs, rien n'y fait, Nourredine veut s'attaquer aux maîtres du pays, quitte à risquer sa vie.

Défini par une foule de notations qui replacent régulièrement son activité dans un environnement banal, Noredine est loin d’être un flic irréprochable. Assurant ses fins de mois grâce aux différents petits revenus que lui rapportent de minuscules trafics, voire de menus rackets, il profite lui-même d’un état général de corruption. Celle-ci semble relever moins d’une transgression juridique et surtout morale que d’un lien quasi banal entre les individus, un lien destiné à luidifier les relations et un état auquel tout le monde semble s’être résigné avant cette explosion, imprévue, de la rue, au Caire.

Le scénario emprunte beaucoup de méandres et quelques incohérences, mais l’interprétation impeccable de l’acteur Fares Fares structure le récit et lui apporte une fluidité. Attentats rapportés par les médias, usages des réseaux sociaux, affiches de propagande, formes multiples de la corruption, écarts sociaux criants, tout le film aborde des travers de la société égyptienne de façon frontale.

« Reprenant les codes du film noir, Le Caire Confidentiel est à la hauteur des grands thrillers hollywoodiens. Avec quelque chose en plus : son contexte historique. Car c’est lors des prémices de la Révolution égyptienne que le héros du film, flic harassé par ses propres veuleries, apprend la vertu en enquêtant sur l’assassinat d’une chanteuse. En un minimum de plans, le réalisateur Tarik Saleh en dit le maximum : une patrouille en ville, caméra à l’intérieur du véhicule, révèle l’état de corruption du pays. »
Érick Grisel, Glamour Paris, 10 avril 2017


Distribution

  • Fares Fares : Noureddine Mostafa, le policier, commandant puis colonel
  • Yasser Ali Maher : le général Kammal Mostafa, oncle de Noureddine
  • Ahmed Selim : Hatem Shafiq, le député et entrepreneur
  • Hania Amar : Gina, la chanteuse
  • Mari Malek : Salwa, la femme de chambre
  • Mohamed Yousry : Momo, l'équipier de Noureddine

Fiche technique

  • Titre international : The Nile Hilton Incident
  • Réalisation et scénario : Tarik Saleh
  • Photographie : Pierre Aïm
  • Producteur : Kristina Åberg, Atmo
  • Montage : Theis Schmidt
  • Musique : Krister Linder
  • Sociétés de production : Atmo Production, Final Cut for Real et Ostlicht Filmproduktion
  • Pays d'origine : Suède, Danemark et Allemagne
  • Durée : 106 minutes
  • Dates de sortie : 21 janvier 2017 (Festival du film de Sundance)
    • France : 5 juillet 2017


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