Le Rideau déchiré

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Le Rideau déchiré (Torn Curtain) est un film réalisé par Alfred Hitchcock sorti en 1966, tirant son nom du rideau de fer.

Analyse critique

Un chercheur en physique nucléaire, Armstrong, rompt sans explications avec sa fiancée et assistante, Sarah, avant de se rendre à un congrès à Copenhague. Intriguée, elle le suit et découvre qu'il part en réalité pour Berlin-Est. Décidée à comprendre elle prend le même avion et se rend compte que le professeur semble avoir choisi de vivre à l'Est. n Le générique s'ouvre sur une image de feu à la droite de laquelle s'incrustent des visages. Le voyage, derrière le rideau, s'annonce comme une descente aux enfers. Un double chemin que parcourent les deux protagonistes ; pour Michael cette incursion a pour but de récupérer une formule physique qui n'est autre que le célèbre MacGuffin si cher à Hitchcock ; pour Sarah il s'agit de retrouver son fiancé. Tout le long de ce voyage, de l'autre coté du rideau, le couple croise sous des formes diverses la présence du feu, jusqu'à la scène finale où il ne doit son salut qu'à un (faux) incendie.

Le rideau déchiré est communément considéré comme le point de déclin dans l'œuvre du réalisateur. Le nouvel hollywood enregistre ses premiers succès entrainant une redistribution accélérée de ce qui semblait acquis par chacun. Hitchcock déjà affaibli dans sa confiance par le mauvais accueil fait à Marnie s'en remettra plusieurs fois au studio qui lui somme de rajeunir son cinéma pour cibler au mieux la nouvelle génération montante de spectateurs.

À cette position inconfortable vient s'ajouter la perte durant la préparation du film de deux des collaborateurs les plus importants d'Hitchcock sur lesquels s'étaient construits ses plus grands succès américains : Le monteur George Tomasini et le chef opérateur Robert Burks.

Mais la perte la plus mesurable pour le film reste le rejet par Hitchcock, sous la pression du studio, de la musique écrite et enregistrée par Bernard Herrmann, mettant un terme à une longue et prolifique collaboration. La musique délivrée par John Addison, tout juste oscarisé, échoue à insuffler au film le complément de matière dramatique qui aurait pu redresser l'entreprise. La légèreté des thèmes d'appoint composés par Addison handicape considérablement le maintien d'une certaine tension qui fait défaut au projet. La musique d'Herrmann ayant depuis été montée sur certains plans à des fins documentaires, on peut mesurer à quel point son apport était significatif. Ce, même sur le simple plan d'une table de restaurant vide.

Néanmoins le film n'est pas dépourvu de qualités. Parmi les scènes où le savoir faire du réalisateur s'affirme clairement, on retient généralement la filature dans le musée pour son travail sur le son, la fuite en bus, pure séquence de suspense dont le potentiel ne semble pourtant pas totalement exploité, et bien sûr la célèbre scène du meurtre.

La scène du meurtre, l'élément le plus mémorable du film, illustre la tendance qu'aura le réalisateur avec les années, à tendre vers une représentation naturaliste du crime (qui aboutira par la strangulation au moyen d'une cravate et la représentation d'un cadavre sans "noblesse" dans Frenzy) .

La plongée aux enfers de Sarah structure la première partie du film, le périple de Michael constitue la seconde tranche. Quant à la fuite du couple de cet univers hostile, elle occupe le troisième chapitre, moment étrange où les objets se hissent au rang de personnages. C'est le cas des deux bus, celui à bord duquel fuit le couple et celui qui peut causer leur perte, le bus régulier. A leur sujet Hitchcock parle de gentil et de méchant bus. C'est aussi le cas des malles en osier et des couvertures dans lesquelles s'enveloppent nos deux héros afin de repasser à l'ouest et qui ne sont pas sans rappeler celles dans lesquelles ils s'enlaçaient en début de film.

Descente aux enfers, voyage dans le monde communiste. Le communisme serait donc synonyme de l'enfer. Certes, Hitchcock n'a jamais caché ses sentiments anticommunistes, mais il ne sombre pas dans le brûlot propagandiste, il brouille les pistes, rompt avec les clichés et brise le manichéisme. Dans un film d'espionnage les choses sont simples : les bons affrontent les méchants. Et à quoi reconnaît-on les méchants ? A ce qu'ils ne sont pas gentils ! Or, que dire d'un homme qui dissimule l'essentiel à sa fiancée, au mépris de sa légitime inquiétude ? Que dire d'un homme qui trompe ses collègues dans le seul but de leur extirper des informations ? Que dire d'un homme qui n'hésite pas à tuer sauvagement son prochain ? Tout cela parce qu'il est incapable, par son travail, de découvrir une formule physique.

Cette inversion des valeurs était par trop palpable dans une scène du film. Juste après le meurtre de Gromeck, Michael Armstrong rencontre son frère au cours d'une visite dans une usine. Celui-ci demande à Michael de donner à Gromeck un morceau de saucisson. Le couteau, qu'il exhibe, pour découper ledit saucisson est semblable à celui qui a servi au meurtre… L'ironie hitchcockienne en donnant trop d'humanité à Gromeck, qui logiquement était le méchant, soulignait l’inhumanité d'Armstrong … cette scène fut supprimée au montage

Michael n'a pas d'autre choix que de tuer Gromeck qui vient de le démasquer. La scène se déroule dans une ferme. Aucune musique ne la supporte et le résultat est extraordinaire de sauvagerie et réalisme.

A son sujet Hitchcock s’en explique dans se conversations avec Truffaut: Avec cette scène de meurtre très longue j'ai voulu, en premier lieu, prendre le contre-pied du cliché. D'ordinaire, dans les films, un meurtre va très vite. un coup de couteau, un coup de fusil, le personnage du meurtrier ne prend même pas le temps d'examiner le corps pour voir si sa victime est morte ou non. Alors j'ai pensé qu'il était temps de montrer combien il est difficile, pénible et long de tuer un homme. Grâce à la présence du chauffeur de taxi devant la ferme, le public admet que ce meurtre doit être silencieux et c'est pourquoi il ne peut être question de tirer un coup de feu. Conformément à notre vieux principe, le meurtre doit être exécuté avec les moyens que nous suggèrent l'endroit et les personnages. Nous sommes dans une ferme et c'est une fermière qui tue, nous utilisons donc des instruments domestiques : le chaudron plein de soupe, un couteau à découper, une pelle et enfin le four de la cuisinière à gaz!

Distribution

  • Paul Newman  : le professeur Michael Armstrong
  • Julie Andrews  : le docteur Sarah Louise Sherman
  • Lila Kedrova : la comtesse Kuchinska
  • Hansjörg Felmy : Heinrich Gerhard
  • Tamara Toumanova : la ballerine
  • Wolfgang Kieling : Hermann Gromek
  • Ludwig Donath : le professeur Gustav Lindt
  • Günter Strack : le professeur Karl Manfred
  • Gisela Fischer : le docteur Koska
  • Mort Mills : le fermier
  • Carolyn Conwell : la femme du fermier
  • Arthur Gould-Porter : Freddy
  • Caméo d'Alfred Hitchcock: à la 4e minute, assis dans le hall de l'Hôtel d'Angleterre avec un bébé joufflu, accompagné par un insert dans la musique de la signature du thème de la série Alfred Hitchcock Presents.

Fiche technique

  • Titre : Le Rideau déchiré
  • Titre original : Torn Curtain
  • Réalisation : Alfred Hitchcock
  • Scénario : Brian Moore
  • Production : Alfred Hitchcock (non crédité)
  • Musique : John Addison
  • Photographie : John F. Warren
  • Montage : Bud Hoffman
  • Pays d'origine : États-Unis
  • Format : Couleurs (Technicolor) - 1,85:1 - Mono - 35 mm
  • Genre : thriller / espionnage
  • Durée : 128 minutes (2h08)
  • Date de sortie:  : 14 juillet 1966 (USA)
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