Monsieur Verdoux

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Monsieur Verdoux, film américain, réalisé par Charles Chaplin, sorti sur les écrans en 1947.

Analyse critique

L'action se passe vers 1925 en France. Après trente années de bons et loyaux services en tant que caissier dans une banque, Henri Verdoux perd son emploi suite à la crise économique. Afin de subvenir aux besoins de sa femme invalide et de son fils, il se recycle dans un autre business, le meurtre de vieilles femmes riches afin de faire main basse sur leur fortune. Il devient une espèce de Landru. Tout comme le tristement célèbre meurtrier français, Verdoux entretient une petite famille bourgeoise et vit de la vente de meubles.

Comme il a acquis une expérience certaine, il se lance dans la spéculation boursière : pour obtenir l'argent nécessaire, il épouse, parfois simultanément, des dames un peu mûres, mais point très futées dont il se débarrasse discrètement. Cependant, il ne parvient pas à se défaire d'Annabella Bonheur, échoue avec Marie Grosnay, se laisse attendrir par une jeune fille prête au suicide. Malgré tout, il réussit chaque fois à s'en sortir et continuerait si sa femme et son fils ne disparaissaient. Alors qu'il a facilement éliminé un inspecteur de la police pourtant perspicace, il se laisse arrêter et condamner à mort. Il boit le verre de rhum, parce qu'il n'en avait jamais bu, et auréolé de lumière, retrouvant la démarche dansante de Charlot, marche à la guillotine.

A priori, le vagabond et le tueur de femmes n'ont aucun point commun. Un examen plus attentif révèle que Verdoux conserve au moins deux caractéristiques de Charlot; l'une anémiée et inutile, l'autre monstrueusement grossie.

Comme Charlot, Verdoux est un être sensible, doué de compassion, montrant à l'occasion un cœur gros comme ça. Il possède aussi le sens de l'adaptation sociale et la férocité de Charlot, si caractéristique des premiers courts métrages. En fait, il tend à la société un miroir : affairisme diabolique, extermination. "Von Clausewitz a dit que la guerre était l'extension logique de la diplomatie. M. Verdoux pense que le meurtre est l'extension logique des affaires" commentaire de Chaplin peu avant la sortie du film. Verdoux est le produit logique, et lucide, de la société et de l'époque où il vit.

Parce que Verdoux est lucide, qu'il se dédouble et se regarde agir, le film peut devenir comique, en particulier à cause de cette étrange sérénité que le héros manifeste dans ses crimes, à son procès et devant la mort. Sans doute se conçoit-il comme innocent et Chaplin parfois, n'est pas éloigné de partager ce point de vue. Monsieur Verdoux est une comédie satirique sur le crime et représente, selon Charles Chaplin, le film le plus intelligent de sa carrière.

Le film marque le premier échec commercial et critique de Chaplin. Trop subversif pour certains, trop en avance sur son temps pour d’autres ou encore trop éloigné de l’œuvre de Chaplin. Avec Monsieur Verdoux, Chaplin réalise son premier vrai film parlant et ses paroles sont amères. Chaplin règle des comptes aussi bien avec l’Amérique capitaliste qu’avec les femmes membres des ligues de vertu.

Autre critique véhiculée : Monsieur Verdoux est un film athée ; confronté au père Féraud lors de la scène finale, Verdoux ne reconnaît pas ses pêchés. Comme l’analyse Claude Chabrol, la transcendance ne passe par Dieu. Une vision qui s’avère intolérable pour l’Amérique bien pensante. Enfin, Verdoux est un meurtrier raffiné, charismatique et bien éduqué. Chaplin a travaillé dans ce sens ; faire de Verdoux un personnage plus sympathique que ses victimes. Verdoux émeut, attendrit, fait rire aux larmes sans pourtant jamais cacher sa brutalité.

Monsieur Verdoux s’inscrit logiquement dans la continuité de l’œuvre de Chaplin. L’évolution du personnage de Charlot va de paire avec les aléas de la vie de Chaplin. L’un ne va pas sans l’autre. Car ce n’est pas seulement Henri Verdoux que l’on guillotine, c’est également Charlot-Chaplin. La scène du verre de rhum est éloquente à ce propos. Verdoux boit le coup du condamné, se retourne, rend son verre. Autre plan, Verdoux nous apparaît autrement maquillé, la noirceur de sa moustache et de ses sourcils a été accentuée, son visage est talqué. Il devient Charlot, sa démarche vers la guillotine finit d’ailleurs de nous convaincre.

Le film est boudé aux Etats-Unis, mais remporte un vif succès en Europe, succès probablement lié à la présence de Chaplin qui quitte définitivement les Etats-Unis en 1952. A propos du film, François Truffaut disait : "C’est une réussite prodigieuse. La construction du scénario, le dialogue, le rythme, le jeu de tous ses partenaires, tout est génial dans ce film et d’un génie nouveau."


Distribution

  • Mady Corell : Mona Verdoux
  • Allison Roddan : Peter Verdoux
  • Martha Raye : Annabella Bonheur
  • Robert Lewis : M. Botello
  • Audrey Betz : Mme Botello
  • Marylin Nash  : La jeune prostituée
  • Marjorie Bennet : La bonne de Monsieur Verdoux
  • Isobel Elsom : Marie Grosnay
  • Ada May : Annette
  • Helen High : Yvonne
  • Margaret Hoffman  : Lydia Floray
  • Irving Bacon : Pierre Couvais
  • Virginia Brissac : Carlotta Couvais
  • Almira Sessions: Lena Couvais
  • Fritz Leiber: Le prêtre
  • Charles Evans : Detective Morrow
  • William Frawley: Georges/ Jean La Salle

Fiche technique

  • Titre original: Monsieur Verdoux
  • Titre alternatif américain : A Comedy of Murders
  • Production : Chaplin - United Artists
  • Réalisation : Charlie Chaplin
  • Scénario : Charlie Chaplin, sur une idée d'Orson Welles d'après la biographie d'Henri Désiré Landru
  • Directeurs de la photographie : Curt Courant, Roland Totheroh
  • Montage : Willard Nico
  • Date de sortie : 11 avril 1947, première au Broadway Theatre à New York
  • Durée : 124 minutes
  • Ce film fait partie des 100 meilleurs filmsdes Cahiers du Cinéma (liste publiée en 2007)


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