Paula Rego
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Paula Rego plasticienne contemporaine portugaise puis britannique née en 1935 à Lisbonne et morte à Londres en 2022
Biographie et œuvre
PauPaula Rego, née le 26 janvier 1935 à Lisbonne, est l'enfant unique d'une famille de la classe moyenne, très anglophile et antifasciste. En 1936, elle est encore un bébé quand ses parents la laissent aux soins de sa grand-mère et d'une tante, pour aller vivre au Royaume-Uni où le père a obtenu un emploi chez Marconi. C'est cette grand-mère qui va lui enseigner nombre des contes traditionnels qui seront intégrés à son travail artistique. Entre 1945 et 1951, Paula Rego fréquente la seule école anglaise dans le district de Lisbonne à l'époque, St. Julian's School à Carcavelos. En 1951, elle est envoyée au Royaume-Uni dans la Grove School, à Sevenoaks. Elle souhaite entrer ensuite à la Chelsea School of Art de Londres, mais son tuteur en Grande-Bretagne, David Phillips, convainc ses parents que la Slade School of Fine Art est un choix plus respectable. Elle y restera de 1952 à 1956.
En 1958, la Fondation Gulbenkian de Lisbonne lui accorde une bourse, qui lui permet d'aller vivre à Londres. Elle y côtoie Francis Bacon, Lucian Freud, David Hockney et Frank Auerbach. Elle rencontre Victor Willing, un autre étudiant. Elle a 18 ans, lui 25 et il est marié. Elle est enceinte,mais ce n'est qu'un an plus tard que Willing les rejoint elle et leur bébé au Portugal. Ils se marient en 1959 après le divorce de Victor Willing d'avec sa première épouse.
Paula Rego est une épouse obéissante et soumise, en admiration devant son mari qu'elle considère comme un grand artiste, contrairement à elle-même qui doute de son art et souffre de nombreux échecs professionnels. Paula Rego, Victor Willing et leurs trois enfants s'installent définitivement au Royaume-Uni jusqu'au décès de Victor Willing en 1988.
La première commande de Paula Rego remonte à l' époque où elle est encore étudiante, en 1954. Mais sa carrière artistique ne commence vraiment qu'en 1962, quand elle participe à une exposition de l'école de Londres. Elle est une dessinatrice, peintre et graveuse talentueuse et prolifique, collage, peinture, pastel, estampe, elle possède une parfaite maîtrise des outils. Sa technique léchée, traduit cette même figuration austère que l’on retrouve chez Bacon, Hockney ou Lucian Freud, tous représentants comme elle de l’École de Londres mais sa virtuosité disparaît presque derrière la violence de ses sujets. L'inclusion d'accessoires et d'animaux rend son travail plus surréaliste, et son amour du tissu et des vêtements ainsi que de certaines poses, renvoie au classicisme des maîtres anciens.
Dans ses premières œuvres, Paula Rego est fortement influencée par le surréalisme, et en particulier le travail de Joan Miró et Dubuffet. Elle a aussi une grande admiration pour Max Ernst. Comme les artistes surréalistes, elle pratique le dessin automatique, processus qui est censé permettre à l'inconscient de l'artiste de se diriger sa création. Ses premiers tableaux sont à la limite de l'abstraction, cependant la narration est toujours présente car Paula Rego est avant tout une conteuse. Ses œuvres se basent sur des histoires réelles et imaginaires, l'action se déroule presque toujours dans des contextes domestiques, mais ses images ne sont pas de simples illustrations, elle transforme la vie quotidienne en quelque chose de tranquillement choquant. Nombre de ses tableaux semblent liés à sa propre histoire : on y trouve des éléments de son enfance, ses personnages, surtout les figures récurrentes de petites filles soignées, les femmes lui ressemblent toujours. Elle est dans tous ses personnages, masculins comme féminins, masqués et démasqués. Ce sont des récits de la vie de famille dans lesquels le réel et l'imaginaire s'échappent, souvent imprégnés de courants dérangeants de transgression sexuelle, de cruauté et de malaise.
Les contradictions de l'humanité, ses ambivalences sont pleinement exposées dans son œuvre. Les images de Paula Rego, comme elle les appelle, mettent en scènes des groupes de personnages qui interagissent dans des histoires multiples, des scènes superposées, de plus en plus complexes. Sa peinture est un théâtre de la cruauté. Dans ses premières œuvres de 1956, Paula Rego travaille principalement le collage, technique souvent associés au néo-dadaïsme. Ses collages traitent généralement de questions politiques, visant, en particulier, le régime dictatorial d'Oliveira Salazar au Portugal.
Elle représente le Portugal à la Biennale d'art de São Paulo en 1969. C'est à cette époque qu'elle ressent les premiers signes de la dépression maniaque qui avait déjà touché son père. Elle entame alors une longue analyse jungienne qui aura une influence sur son art et, inversement, l'art l'aide souvent à se sortir de la dépression. Des années de thérapie ont, dit-elle, libéré son imagination. En 1966, au moment où son mari tombe malade, Paula Rego change de technique et de motifs. Elle se consacre principalement à la peinture et au graphisme. Pendant ce temps, elle développe également le style à la fois magique et réaliste qui la caractérise aujourd'hui.
De retour à Londres en 1976, elle abandonne la peinture abstraite et se tourne vers la peinture figurative. En 1983, Paula Rego est professeure à la Slade School of Art. Une rétrospective de ses œuvres est présentée à la Fondation Gulbenkian à Lisbonne et à la Serpentine Gallery à Londres en 1988. L'année suivante, elle est nommée au Prix Turner. Vers 1986, après la simplification de la fin des années 70, elle introduit des fouillis de figures, des histoires, des éléments hors échelle et des collisions de styles et de degrés de figuration. Les volumes, les ombres et la lumière dans ses peintures deviennent plus modelés, les figures plus arrondies, les espaces qu'elles habitent plus continus.
Ce n'est que lorsqu'elle rejoint la prestigieuse Marlborough Gallery en 1987, et a sa première grande exposition britannique à la Serpentine Gallery l'année suivante que son travail commence vraiment à se vendre. Ce succès arrive après la mort de son mari. Elle se lance dans des gravures fantastiques, très noires illustrant la perversité cachée des comptines. Elle utilise beaucoup le fusain qui marque davantage la plasticité des corps. Du doigt, elle peut travailler le trait, l’estomper.
En 1986, Paula Rego commence une série de tableaux intitulée E menina com cão (Petite fille avec chien). Cette série débute avec l'image d'une petite fille donnant à manger à un chien. Ce chien ressemble à une poupée, un objet précieux, mais en même temps, elle reflète aussi l'image d'un bébé et d'un homme. elle met en jeu des éléments iconographiques qui entraînent des événements narratifs et symboliques, porteurs de sentiments tels que l'amour, la confiance, la peur et la domination.
En 1990, elle est invitée à devenir la première artiste associée à la National Gallery de Londres. A cette occasion, elle réalise une série de peintures et gravures sur le thème des comptines qui sera exposée à travers la Grande Bretagne et au-delà par le Arts Council of Great Britain et le British Council de 1991 à 1996 et une autre série de peintures de grande taille inspirées par les tableaux de Carlo Crivelli conservés à la National Gallery, connus sous le nom de Crivelli’s Garden et qui sont maintenant dans le restaurant principal de la Galerie. Au moment de cette résidence, elle s'oriente vers un style plus linéaire, plus clair. Ses représentations de contes folkloriques et d'images de jeunes filles, montrent alors des formes fortes et précises qui les différencient du style plus lâche de ses peintures antérieures. Le pastel
En 1994, elle commence à utiliser le pastel, « plus tactile pour rendre la palpitation des chairs », medium qu'elle privilégie toujours, ayant presque abandonné la peinture à l'huile. Le pastel lui permet de travailler avec les doigts, elle superpose les couches, le modèle comme en sculpture. Les compositions combinant des animaux, des jeunes filles et des jouets pour enfants, reviennent tout au long de l’œuvre de Paula Rego, évoquant l’imagerie de contes de fées aux accents sinistres ou gothiques. Parmi les œuvres les plus remarquables réalisées au pastel, la série Dog Women (1994), des femmes sont représentées assises, accroupies, grattant et se comportant généralement comme si elles étaient des chiens. Cette représentation en opposition avec le schéma féminin traditionnel et nombre de ses autres œuvres dans lesquelles il semble y avoir soit la menace de la violence féminine soit sa manifestation réelle, ont amené Paula Rego à être associée au féminisme. Elle a reconnu avoir lu très jeune Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, et que cela lui a fait une profonde impression.
Pourtant, elle-même est un peu ambivalente vis à vis du féminisme. Elle déclare « Je n’ai vraiment rien à voir avec la pensée féministe même si c’était très important pour moi à un moment donné. », tout en disant que c'est très injuste de voir souffrir les femmes, qu'elles devraient avoir accès à l'avortement en sécurité, ne pas être mutilées, violées ou battues .« Je ne sais pas si c'est une pensée féministe ou simplement comment je veux vivre ».
Paula Rego ne s'intéresse clairement pas aux idées conventionnelles de la beauté, ni aux idées conventionnelles de l'art. Ce qui l’intéresse vraiment, dit-elle, c’est «le beau grotesque». Mais elle n'est pas très encline à théoriser son travail et reste évasive lorsqu'il s'agit de l'expliquer ou de l'interpréter. La représentation par Paula Rego des femmes comme des êtres non féminins, animaliers ou brutaux reflète la réalité physique des femmes en tant qu'êtres humains dans le monde physique, plutôt que le type féminin idéalisé dans l'esprit des hommes.
Paula Rego prend des positions fermes au sujet de l'avortement, disant qu'elle a vu tant d'injustices contre les femmes au Portugal, que l'interdiction de l'avortement frappe surtout les femmes les plus pauvres et qu'elle met en danger la vie de toutes. En réponse à l'échec du premier référendum sur l'avortement au Portugal, en 1998, et la décision du gouvernement de ne pas légaliser l'avortement, elle réalise une série de dessins, pastels et gravures déchirantes sur les avortements clandestins. Elle considère ces œuvres parmi les meilleurs qu'elle ait accomplies « parce qu'elles sont vraies et qu'elles ont contribué efficacement à changer la loi au Portugal ». L'avortement a été libéralisé au Portugal en 2007.
Paula Rego a également travaillé sur le trafic du sexe, les crimes d'honneur et les mutilations génitales. « Cela se passe partout : même en Angleterre, ils viennent ici et coupent leurs petits clitoris. Et les mères et grand-mères participent. Il y a une tradition de cruauté des femmes envers les femmes, qui est particulièrement intrigante et horrible. ». Elle a également évoqué la pauvreté, les migrations et la guerre dans ses œuvres. War (2003) est une réaction à une photo publiée par The Guardian, sur des bombardements de civils en Irak.
Depuis 2010, elle travaille aussi la sculpture. Depuis longtemps, elle réalise des poupées ou des mannequins en papier mâché qu'elle met en scène dans ses tableaux, les réutilisant parfois, mais ne les a jamais considérées comme des œuvres d'art en soi jusqu'à récemment.
En septembre 2009, le Portugal lui consacre un musée nommé Casa das Histórias Paula Rego, la Maison des histoires, construit par l’architecte portugais Eduardo Souto de Moura et dédié uniquement à son œuvre à Cascais, près de Lisbonne. C'est une des rares galeries dédiées à un artiste vivant.
Expositions (sélection)
- 1971- 1978 expositions solo au Portugal, à Lisbonne et Oporto
- 1981 : Galerie AIR, Londres
- 1984, 1985 et 1987 : Galerie Edward Totah, Londres
- 1987 : 19eme. Biennale de São Paulo
- 1997 : Tate Liverpool
- 2005 : Tate Britain, Londres
- 2007 : Paula Rego : Graven Images, Birmingham Museum
- : Rétrospective, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid
- 2008 : Retrospective Paula Rego, National Museum of Women in the Art, Washington
- Rétrospective de l’œuvre graphique, Ecole Superieure des Beaux:Arts, Nîmes
- 2010 : Marlborough Fine Art, Londres
- Retrospective, Museum of Contemporary Art, Monterrey, Mexique, organisée par Marco Livingstone (puis à la Pinacoteca de São Paulo, Brésil)
- 2016 : Elles (soixante femmes peintres de la seconde moitié du 2eme siècle), Frissiras Museum, Athens
- 2018 : All the better to see you with: Fairy tales transformed, Ian Potter Museum of Art, Melbourne
- 2019 : Les Contes cruels de Paula Rego, Musée de l'Orangerie, Paris
- 2020 : Paula Rego (oeuvre graphique), Museum Dereede, Anvers
- 2021 : Paula Rego, Retrospective, Tate Britain, Londres
- 2022 : 59e Biennale de Venise The Milk of Dreams
Galerie