Signes

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Signes (Signs) film de science-fiction américain réalisé par M. Night Shyamalan et sorti en 2002.

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Analyse critique

Un pasteur, Graham Hess vit en compagnie de ses deux enfants, Morgan et sa sœur Bo, et de son frère Merril, ancien joueur de base-ball, dans une ferme de Pennsylvanie. Il découvre dans son champ de maïs des figures géométriques parfaitement tracées. Peu après, la télévision annonce que ces mêmes figures se retrouvent un peu partout dans le monde. Bientôt d’autres phénomènes étranges sont répertoriés. Le doute n’est plus permis : loin d’être un canular, ne s’agit-il pas plutôt de l’arrivée d’extra-terrestres ?

Ici, point de coup de théâtre final mais, dès la première image du film, la savante mise en place d’un jeu de piste qui se déroule peu à peu, pas à pas, à travers tout un réseau de signes à interpréter pour aboutir à la connaissance et à l’acceptation de soi, étapes indispensables sur le chemin de la sérénité. Et c’est là le vrai sujet d’un film dans lequel le recours aux extra-terrestres apparaît, paradoxalement, à la fois comme la référence à une filiation cinématographique (par exemple, La Guerre des Mondes de Barry Haskin en 1953, d’après le roman de Welles, et Les Oiseaux de Hitchcock ) et le point de départ d’un propos original (faut-il croire au hasard et aux coïncidences ou bien tout événement, même le plus cruel, a-t-il un sens voulu par la Providence, sens qui peut nous échapper sur le moment mais que l’on comprendra un jour si l’on sait garder l’espoir ?).

Dés le générique un sentiment de malaise surgit: les noms des acteurs, du réalisateur, etc. s’inscrivent sur un fond sans couleur définie, voire en noir et blanc, tandis qu’une musique étrange crée un climat d’inquiétude que renforce un fondu au noir ponctué d’une tonalité grave qui précède immédiatement le film. Le premier plan du film montre à travers une fenêtre un jardin vide avec balançoire inutilisée. Puis un très lent travelling arrière, qui déforme le paysage et fait de la fenêtre un écran de TV, se met en mouvement et donne à voir l’intérieur de la maison (une photo de famille heureuse, une pièce vide, une porte) avant de filmer en gros plan le visage angoissé du pasteur brutalement réveillé.

Chaque élément de cette très brève séquence est hautement signifiant : l’art du réalisateur est précisément de ne pas dire ce qui est arrivé au pasteur, et qui ne se révèlera que peu à peu car il refuse de l’évoquer, mais de le suggérer visuellement : par exemple, la balançoire inutilisée signifie des enfants sans jeu ni joie, la vitre sépare la maison de l’extérieur et exprime le refus de la vie ; la photo dans une maison silencieuse évoque certes le bonheur mais un bonheur figé dans le passé.

Tout l’art du cinéma est d’exprimer par l’image et Shyamalan n’a pas oublié la leçon de Hitchcock. Malaise devant ce générique austère, malaise devant ce jardin déserté, malaise devant cette maison silencieuse, malaise devant cette souffrance du visage réveillé, la tonalité générale du film est donnée dès l’abord. Sans déflorer l’histoire, il faut signaler que le mouvement de caméra ci-dessus étudié sera repris à l’identique pour une séquence légèrement modifiée, à la fin du film, et que cette reprise donne tout son sens au propos du réalisateur.

Entre temps, Shyamalan distille très progressivement les raisons de ce climat angoissant et du mal-être du Pasteur et de ses proches. Mais, avec une grande habileté, il fait en sorte de communiquer au spectateur cette angoisse et de lui faire partager les affres de ses personnages.

On peut évoquer bien sûr Les Oiseaux pour ce qui est du traitement de l’espace dans le film. On assiste, en effet, sous la pression de forces obscures d’autant plus menaçantes qu’elles ne sont perçues qu’à travers des bruits inquiétants, au même rétrécissement de l’espace (d’abord l’extérieur des champs et de la ferme ; puis l’intérieur aux nombreuses pièces se réduisant par des déplacements successifs à un local souterrain) jusqu’au confinement ultime de la cave, lieu de l’enfermement total privé de toute issue – comme le spectateur est lui-même enfermé dans la salle obscure du cinéma. Mais ce malaise sourd aussi de la façon même de filmer. Plusieurs fois c’est en plongée que le regard caméra donne à voir personnages et paysages et cette répétition insistante finit par nous faire ‘’ressentir’’ quasi physiquement une présence qui observerait d’en haut cette famille en proie au mal-être. Ce procédé rappelle le plan superbe d’Hitchcock filmant la plongée des oiseaux sur la ville, comme si quelque démiurge les lançait délibérément sur la terre.

Le film multiplie les centres d’intérêt et installe dans le film un autre malaise devant la place prise par la télévision au détriment de la vie. Objet central du film, c’est elle qui relie au monde en en diffusant les nouvelles de la menace extra-terrestre (allusion à la célèbre mystification de Orson Welles). Par ailleurs, même éteinte, elle est utilisée par Shyamalan comme l’écran sur lequel se reflète la réalité qu’il filme, façon d'en rappeler l’omnipotence. Sa présence permanente fait d’elle un habitant à part entière de la maison-prison et rythme la vie des enfants. Or cette fenêtre ouverte sur le monde est un écran qui s’interpose entre la réalité et les personnages, comme la fenêtre du premier plan du film séparait,en la déformant, la vision du jardin filmée de l’intérieur : façon subtile et visuellement séduisante de dénoncer la place et les dangers de ce média et la perte des repères sensibles dans cet univers de la re-présentation du monde par image interposée qui se substitue à la réalité même et prétend l’incarner.

Le dernier plan du film qui reprend le premier montre, cette fois, le jardin occupé par les enfants et leur oncle. Le même mouvement de travelling arrière traverse la vitre cette fois brisée, donne à voir l’intérieur de la maison, sans la photographie (donc dans l’oubli du passé encombrant et dans le souci du présent), marquée par les cicatrices du combat livré contre les extraterrestres, pour filmer de nouveau Graham Hess mais il est serein, habillé en pasteur et s’apprête à sortir pour exercer son sacerdoce.

Le sens est clair : le personnage a retrouvé la foi sous forme de l'habit et l’envie de vivre ; rien ne s’interpose plus, la vitre est brisée, entre vie intérieure, jusque là anéantie par la mort de sa femme, et les autres, symbolisés par le jardin occupé par son frère et les enfants, qu’il peut de nouveau aimer et aider : il a fait son deuil de son passé et renaît à la vie.

Comme Les Oiseaux, ce film lie mal-être intérieur et menace extérieure, comme si le premier déclenchait le second et que celui-ci aidât à résoudre celui-là. Bref, l’intervention de la Providence ne prend pas les formes attendues mais sa présence aide, en définitive, à vivre. Et cette influence se fait par l’entremise des morts qui guident les vivants, c’est bien la femme décédée du pasteur qui délivre le message salvateur à interpréter, à la condition que la foi les ‘’anime’’, au sens propre du mot. On songe au Zadig de Voltaire et, plus précisément, à l'affirmation de l'ange Jesrad : “Il n'y a point de hasard ; tout est épreuve, ou punition, ou récompense, ou prévoyance.”

Un beau film profondément original et riche de significations qui multiplie les questions essentielles et donne à réfléchir.

Distribution

  • Graham Hess : Mel Gibson
  • Morgan Hess : Rory Culkin
  • Bo Hess : Abigail Breslin
  • Merrill Hess : Joaquim Phoenix
  • L'officier Caroline Paski : Cherry Jones
  • L'animateur radio : Jose L Rodriguez

Fiche technique

  • Titre original : Signs
  • Réalisation et scénario : M. Night Shyamalan
  • Directeur de la photographie : Newton Howard
  • Production : M Night Shyamalan / Frank Marshall & Kathleen Kennedy / Sam Mercer
  • Distribution : GBVI
  • Durée : 106 minutes
  • Date de sortie : 2002

Source

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