Trilogie de Lucas Belvaux

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La trilogie de Lucas Belvaux est composée des trois films suivants : Un couple épatant, Cavale, et Après la vie.

Un des concepts originaux de cette trilogie repose sur le fait que l’action des trois films se déroule dans les mêmes lieux (Grenoble et ses environs), dans la même période de temps, avec les mêmes personnages. Certains des personnages principaux dans l’un sont les personnages secondaires dans l’autre et réciproquement. Il s’agit de filmer la même histoire, mais racontée selon trois points de vue différents, et selon trois ambiances différentes.

Bien qu'il soit possible de voir les trois films dans n’importe quel ordre, puisque ils ne constituent pas des « suites » les uns par rapport aux autres, la progression narrative est celle de l'ordre de description ci-après.

Trois films attachants, tournés en parallèle avec les mêmes acteurs, des scènes communes mais avec des points de vue différents, ce qui est central dans un film devient accessoire ou anecdotique dans les autres.

Lucas Belvaux a confié chaque film au même directeur de la photographie, mais chacun à un monteur différent, soulignant ainsi trois styles marqués:

  • la comédie dans Un couple épatant où la jalousie et les petites dissimulations au sein d'un couple prend des proportions étonnantes;
  • Cavale, le thriller politico-criminel où un dernier nostalgique de l'action directe règle ses comptes dans le sang et
  • le drame psychologique dans Après la vie avec un flic à moitié honnête qui tente de sauver sa femme du gouffre des drogues dures.

C'est un triptyque qui se hisse au niveau de Resnais ou de Kieslowki (Trois couleurs...) dans une réflexion sur les destins croisés et sur l'importance de ce qui est montré, évoqué ou laissé à l'imagination du spectateur.

Un Couple épatant

Alain Costes est un ingénieur qui a tout pour être heureux. Une femme superbe prénommée Cécile, une entreprise de taille modeste mais fonctionnant à plein régime, une réussite financière incontestable, une maison et une voiture au luxe affirmé. Il semble néanmoins au bord de la dépression. Des examens médicaux lui laissent penser qu'il pourrait être à l'article de la mort. Cette inquiétude nourrie d'hypocondrie le conduit aux gestes les plus extravagants. En voulant dissimuler à ses proches la gravité supposée de son état, il s'enfonce dans un emboîtement de plus en plus vertigineux de mensonges. Son épouse perçoit ses manigances et le soupçonne à tort d'infidélité. Elle le fait alors surveiller par un flic à l'honnêteté douteuse. Par voie de conséquence, Alain pressent autour de lui une machination, ce qui le conduit à croire que Cécile le trompe. S'ensuivent quiproquos et chassés-croisés orchestrés avec un sens du rythme et une dextérité incontestables.

Angoisse de mort, jalousie, suspicion, mensonge, trahison, tels sont les passions qui gouvernent aux actes des personnages. L'heure devrait être au désespoir. Elle est à la joie. Car nous sommes dans une comédie du "remariage". Un couple apparemment blasé par une relation devenue longue se jette à corps perdu dans des aventures pas toujours extra-conjugales, et ce afin de mieux se retrouver. L'homme et la femme s'amusent à se faire peur, soit par ennui, soit par manque d'imagination, et retombent immanquablement dans les bras l'un de l'autre. Le schéma est classique. Il a fait la gloire des comédies américaines des années 30 et 40. Lucas Belvaux s'inscrit clairement dans cette filiation. Par la reprise d'un style qui doit beaucoup à cette cinématographie et à son ascendant, le burlesque d'avant-guerre, il échappe à la noirceur de son sujet.

Un Couple épatant est le film le plus léger de la trilogie. Un couple s'amuse à se faire peur, chacun croyant à tort à l'infidélité de l'autre, afin de mieux renouer la relation. Ce volet livre une des clés à travers un jeu sur les points de vue et les apparences. Les sujets des meilleures comédies sont peut-être ceux qui font les grandes tragédies. Les mobiles des protagonistes y sont tristes à pleurer et pourtant la mise en scène du cinéaste comme celles imaginées par les personnages pour pimenter leurs vies appellent toutes au rire.

Cavale

Cavale est un polar tendu, politique et mélancolique. Il offre à notre regard un personnage dense et complexe, un ancien activiste de gauche en décalage avec notre modernité, hors-la-loi traqué par la police et la mafia. Sans être démonstratif, le film condamne la lutte armée et pose intelligemment la question de la responsabilité individuelle. Cavale, un des volets de la trilogie de Lucas Belvaux, est un polar tendu, politique et mélancolique dont le personnage central,

Bruno Le Roux, un activiste de gauche, s'évade après quinze ans de détention. Traqué, Le Roux est condamné pour survivre à être toujours en mouvement. De parkings souterrains en portes cochères, il se terre. C'est autour de cette survie que Lucas Belvaux construit un suspense haletant. L'obscurité, le travail sur la bande-son, l'amplification de certains bruits, la tension générée par l'attente, les fausses alertes contribuent à créer une angoisse typique du thriller, jouant avec nos nerfs comme avec ceux du terroriste aux abois. Pourtant, l'intérêt du spectateur ne procède nullement d'une quelconque identification avec le personnage incarné par le réalisateur.

Après quinze ans, il est toujours en guerre contre la société. Mais sa lutte, typique des années 70, ne rencontre aucun écho. Ses anciens camarades sont morts, en prison ou rangés. Placée sous surveillance, Jeanne Rivet, son ancienne compagne, ne peut être d'un grand secours. Mais le-veut elle seulement ? Elle a depuis longtemps abandonné la lutte pour l'enseignement et a fondé une famille. Elle lui apportera bien dans une certaine mesure son aide en souvenir du passé, mais il semble que c'est l'homme et non la cause qu'elle essaie de sauver. Des balles mais surtout de lui-même.

Car Bruno Le Roux est un homme en complet décalage. La prison l'a isolé du monde. Figé dans des convictions idéologiques, il n'accepte pas que la situation et les mentalités aient évolué, que sa manière de combattre l'injustice sociale soit dépassée. Ces convictions l'ont conduit en prison, elles donnent un sens à sa vie. Il s'y accroche avec désespoir. En ce sens, le personnage est profondément humain. Plus le récit progresse, plus il doute. On le sent fébrile. Il a peur. Et, finalement, le monde actuel apparaît tout entier comme un univers carcéral à l'intérieur duquel il se débat. L'abondance de prises de vue verticales, comme autant de barreaux, contribue à renforcer ce sentiment.

On est touché par son humanité manifeste lorsqu'il secourt une Agnès Manise rouée de coups ou risquant une overdose. Sa conviction et sa rectitude fascinent. Mais on ne peut souscrire à son aveuglement. Sa violence révulse. Bruno Le Roux est froid, calme et déterminé. Animé par le désir de régler ses comptes avec ceux qui, croit-il, l'ont donné, il attend son heure. Très professionnel, il se prépare, fabrique une fausse carte d'identité ou une plaque d'immatriculation, entretient son matériel. Il répète des gestes-rituels comme le montage d'une arme les yeux fermés. De ces longs plans frontaux, au cadre serré, se dégage une impression de maîtrise qui n'est pas sans rappeler Le Samourai de Jean-Pierre Melville.

Lucas Belvaux ne triche pas. A aucun moment il ne stylise ou n'esthétise la représentation de la violence. Cavale est un film dur où la violence est montrée sans fard. Elle est gratuite, injuste et révoltante. Sans être manichéen ou démonstratif, le film condamne la lutte armée et pose intelligemment la question de la responsabilité individuelle. La révolte de Bruno est compréhensible. Il a tort sur les moyens mais pas tant sur les idées. Malheureusement, il ne conçoit aucune alternative à la lutte armée et sa détermination, son acharnement le rendent peu à peu monstrueux. En offrant à notre regard un personnage dense, complexe et humain, Lucas Belvaux démontre que, dans une démocratie, la violence politique n'a pas de légitimité.

Après la vie

Dans un téléphérique, un homme, Pascal Manise, plonge son regard vers la pénombre de la ville. Il la domine avant d'y être englouti. Le visage est fermé, soucieux mais déterminé. Il semble descendre vers les limbes. En bordure de l'enfer, cet homme cherche une forme de rédemption, au moins à ses propres yeux, mais ne sait pas comment s'en sortir. Tout au long du film, sa solitude l'accompagne plus fidèlement que la compagne de sa vie. Et pourtant, c'est bien une magnifique histoire d'amour, pleine de silence, de cris, d'angoisse et de fureur qui nous est dévoilée.

Filmé caméra à l'épaule, Après la vie est une histoire de couple, décliné sous l'angle du mélodrame. Très proche de ses acteurs, Lucas Belvaux crée une intensité dramatique inattendue. Pascal Manise est inspecteur de police à Grenoble. Il cherche à arrêter Bruno Le Roux, un terroriste échappé de prison et en cavale dans la région. En parallèle, et depuis quinze ans, il fournit sa femme Agnès Manise en morphine grâce à un accord tacite avec le parrain local. Ces deux situations se retrouvent inextricablement liées et vont amener le couple au bord du précipice.

Alors que Pascal Manise apparaissait primaire dans Cavale et Un couple épatant, il est ici un type un peu perdu et dépassé par les événements, qui n'aspire qu'à des choses simples : ne pas perdre celle qu'il aime et détruit en même temps, se faire aimer, s'aimer lui-même. Cette simplicité est profondément touchante et rachète un personnage trop vite condamné. On apprécie l'infinie tendresse qui lie le couple, criante de vérité au détour de petits gestes simples : la caresse sur le vêtement qu'elle lui offre, un regard éperdu, un câlin où les bras s'enchevêtrent pour sembler ne jamais devoir se séparer.

Après la vie est un film qui vient libérer les hommes, leur fait confiance et s'appuie sur eux. La caméra se met au service des acteurs. Ce sont les hommes et les femmes, de chair et de sang, qui l'emmènent et le portent. Le réalisateur, ses choix et ses manipulations semblent disparaître, s'effacer devant eux. L'humanité qui transpire à chaque instant l'emporte devant les principes narratifs. Le sujet s'impose, pour cette fois, à l'objet de manipulation.

La transformation du personnage de Pascal Manise, dont la perception par le spectateur se modifie radicalement d'un volet à l'autre, est la plus parlante des illustrations d'un des propos sous-jacents au projet de cette trilogie : ne pas condamner trop vite, porter attention à chacun, modifier son point de vue pour ajuster, au plus juste, sa vision des situations, des personnes. La dualité même des deux héros (flic et fournisseur de drogue pour lui/ prof et morphinomane pour elle) alimente, un peu plus, cette belle idée qu'un regard ne suffit pas à classer les êtres.

Distribution

Fiche technique commune

Un couple épatant

  • Montage : Valérie Loiseleux
  • Durée : 97 minutes
  • Dates de sortie :12 septembre 2002 (Toronto) ; 1er janvier 2003 (France)


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Cavale

  • Montage : Ludo Troch
  • Durée : 111 minutes
  • Dates de sortie :11 septembre 2002 (Toronto) ; 8 janvier 2003 (France)


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Après la vie

  • Montage : Danielle Anezin
  • Durée : 124 minutes
  • Dates de sortie :12 septembre 2002 (Toronto) ; 9 janvier 2003 (France)


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