Un divan à New York

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Un divan à New York , film belge, français et allemand de Chantal Akerman, sorti en 1996

Analyse critique

Béatrice Saulnier est danseuse, étouffe sous les messages de ses prétendants, et mène la vie de bohème sous les toits de Belleville. Henry Harriston est psychanalyste et mène la vie de château dans un penthouse de New York, mais craque devant un répondeur hanté par ses patients. Par l'intermédiaire d'une annonce parue dans le Herald Tribune, ils échangent leur appartement pour les vacances. Elle est jolie, vive et généreuse. Lui, beau, taciturne et coincé. L'arrangement immobilier va tourner au coup de foudre à distance. Un dessous féminin qui traîne chez l'une, un appartement trop rangé pour un entourage bien dérangé chez l'autre, autant d'indices d'une passion naissante.

Sur ce classique argument de comédie, qui consiste à lâcher un personnage dans un milieu totalement différent du sien, Akerman va construire une double projection, un rêve de cinéma, un cinéma de rêve. Etiquetée auteur européen, elle se sert de son héroïne pour se projeter dans le monde, nouveau pour elle, de la comédie sophistiquée. Son héroïne laisse derrière elle son univers : un appartement et toutes les histoires qu’il contient. Les histoires d’amour, belles et tristes, dont elle ne veut plus, laissant au psy le soin de s’en emparer. Assez vite, il renoncera à comprendre tout ce foin (« What’s foin' »). Pendant ce temps, comme un poisson dans l’eau, elle se sera vite acclimatée et sera passée de la fascination première à la critique acide. Sous le charme de son bon sens, les analysés ne peuvent plus se passer d’elle.

Le film a beaucoup à voir avec l’altérité et comment on s’y cogne avant de s’y attacher. Ici l’autre est d’abord physiquement absent, ce qui n’empêche pas de commencer à le connaître en prenant sa place, comme psy, ou en s’immisçant dans son intimité, lire ses lettres et voir ses amants. La rencontre sera donc progressive, de l’absence à la présence masquée puis à l’abandon des masques. Ceux-ci naissent d’abord d’une volonté de se cacher, de dissimuler son identité ou de jouer au psy alors que l’on est une danseuse. Le film est marqué par la parole malade, réduite à peu de chose, les « oui » et les « han han » de Béatrice en psy, le silence du vrai psy devenu patient. La parole est parasitée, comme le discours haché d’Henry à son meilleur ami, ou encore comme dans l’une des rares scènes de pure comédie où Henry vient interférer dans la commande que tente de passer le client d’un restaurant à son ami, maître d'hôtel. Et si Béatrice et Henry finissent par se reconnaître, ce n’est pas par la vue, comme le laisse croire un habile montage en faux champ-contrechamp, mais bien par la parole, devenue enfin fluide au bout de cette comédie en forme de psychanalyse ludique.

Chantal Akerman en profite astucieusement pour croiser le cinéma européen et la comédie américaine, avec ses références très nette à Ernst Lubitsch. Elle vise ainsi, en tournant une fantaisie légère et enlevée à amener à elle le spectateur, jusqu'ici rebuté par ses plans fixes en cuisine (Jeanne Dielman) ou en chambre de bonne (Nuit et jour). Tout paraît simple et beau, comme dans un rêve qui met de bonne humeur. Et puis, il y a Juliette Binoche, un peu gauche et enfantine, qui découvre l'Amérique comme Alice au pays des merveilles.

Distribution

  • Juliette Binoche : Béatrice Saulnier
  • William Hurt : Henry Harriston
  • Stephanie Buttle : Anne
  • Barbara Garrick : Lizbeth Honeywell

Fiche technique

  • Réalisation : Chantal Akerman
  • Scénario : Chantal Akerman et Jean-Louis Benoît
  • Montage : Claire Atherton
  • Musique originale : Sonia Wieder-Atherton
  • Producteur exécutif: Robin O'Hara
  • Directeur de la photographie: Dietrich Lohmann
  • Sociétés de production: Les Films Balenciaga, Babelsberg Film Produktion, Paradise Production, R.T.B.F., France 2 Cinéma
  • Durée: 105 minutes
  • Date de sortie : 10 avril 1996
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